(Ce dialogue se passe quelque part en terre de France, dans la région parisienne plus précisément)

Ali, originaire de Annaba, anciennement Bône, l’antique Hippone, le dernier lieu de séjour sur terre de notre illustre Augustin, s’adresse à Mohammed le bien nommé, et néanmoins Christophe, d’Algérie pareillement, mais de sa partie montagneuse appelée Djurdjura, où se sont établis depuis des millénaires ses ancêtres que l’on nomme Kabyles aujourd’hui.

Ali : Bon, je sais que tu voudras pas me le dire peut-être, mais on se connaît depuis longtemps, et, ma parole, tu peux avoir confiance en moi, tu n’as pas à avoir peur !

Mohammed : De quoi tu veux parler, au juste, et de quoi aurai-je peur ?

Ali : Je vais te poser une question, réponds moi franchement.

Mohammed : Mais bien sûr, Ali, je t’écoute.

Ali : Ben voilà, tu sais que je t’estime? C’est même pour ton bien que je veux t’interroger.

Mohammed : Arrête de tourner en rond, dis-moi ce qui te turlupine.

Ali : Ce qui me turlupine, comme tu dis, c’est que je ne comprends pas ce qui te plaît tant dans le catholicisme…

Mohammed : Ah !?


Ali : Ben oui: je vois pas ce qu’il y a de si formidable. Parce qu’il faut bien qu’il y ait quelque chose d’extraordinaire pour changer de religion. Tu ne t’es pas converti comme ça, sur un coup de tête, y a forcément une raison. Tu as pris des risques : c’est ta vie dans l’au-delà qui est en jeu. Mais, inch’allah, tu finiras par revenir à l’Islam. Un jour ou l’autre, inch’allah !

D’autant plus que, excuse moi, mais les Roumis ils n’ont rien de fantastique. En quoi ils sont mieux que nous ?

Mohammed : Ils ne sont pas meilleurs, tu as raison, ni plus ni moins que vous.

Ali : Pourquoi tu ne dis pas « nous »? Tu ne te considères vraiment plus des nôtres ?

Mohammed : Tu as bien dit “Roumis”, par opposition à musulmans, non? Tu sais bien que je ne suis plus musulman.

Ali : Soit ! Alors, finalement, pourquoi ? Y a t il une raison ?

Mohammed : Il y a une raison, en effet. Autrement ce serait ridicule. Mais veux-tu le savoir ?

Ali : Oui ! C’est bien pour ça que je te questionne.

Mohammed : J’ai peur que tu ne me crois pas.

Ali : Dis toujours, tu verras.

Mohammed : Parce que je suis amoureux. Et cet amour, ‘faut croire, il m’aveugle.

Ali : Je ne te crois pas, en effet ; là je ne te crois pas. Toi, amoureux d’une femme ? Ce n’est pas ton genre d’être aveuglé par une femme. Car, que tu le veuilles ou non, sur ce coup, tu es comme nous : on peut aimer une femme, mais pas au point d’en perdre la raison.

Mohammed : Certes, tu n’as pas tout à fait tort, ce n’est pas d’une femme que je suis amoureux… Et puis tu le sais bien, je suis déjà marié.

Ali : Pas d’un homme non plus, ça se saurait et ça se verrait, à ta conduite. Et tu as une bonne conduite. Tu te comportes comme un vrai musulman, du reste, car tu crois en Dieu et tu fais la prière, sauf que tu vas à la messe, à l’église… Au lieu de la mosquée.

Mohammed : C’est à cause de cet amour qui m’aveugle.

Ali : Arrête de me prendre pour un demeuré ! Dis moi que tu trouves les Roumis plus civilisés, qu’ils vivent dans le confort, à l’inverse de nous, ou que tu n’as rien compris au Coran, que personne ne t’a expliqué ce qu’est le véritable Islam, mais ne me dis pas que tu es amoureux !

Mohammed : Pourtant c’est la vérité : je suis tombé amoureux de Jésus Christ.

Ali : Amoureux de Jésus Christ ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Tu dis n’importe quoi ! Je connais Jésus, c’est un prophète – le salut soit sur lui -, mais de là à être amoureux de lui.

Mohammed : Tu connais Jésus ? Tu veux parler de ‘Issa, Sidna ‘Issa, mais il n’a rien à voir avec le Jésus de l’Evangile. Pour connaître Jésus, il faut lire l’Evangile. Est-ce que tu l’as déjà lu ?

Ali : Non, en français, ça ne m’intéresse pas.

Mohammed : Qu’à cela ne tienne : je peux te l’apporter, je l’ai en arabe. Tu veux bien ?

Un temps d’hésitation d’Ali, ensuite il déclare :

Ali : Non car il est falsifié, mais évidemment les chrétiens ne veulent pas l’admettre.

Mohammed : C’est une dérobade, Ali, car, ne serait-ce que par curiosité, tu devrais le lire. Je continue bien à lire le Coran, de temps en temps.

Ali : Oui, mais tu le lis en français.

Mohammed : Détrompe-toi, je l’ai aussi en arabe, à la maison.

Ali : Bon, je crois que ça sert à rien qu’on discute ! Car après tout, « vous avez votre religion, et nous avons la nôtre. »

Ali vient de citer un passage du Coran, qui met un terme à ce dialogue islamo-chrétien, authentique, à quelques phrases près.


Oui, chers frères et sœurs en Christ, le dialogue islamo-chrétien est cadenassé.

Comment le dialogue serait-il possible, puisque le Coran déclare les autres Ecritures (à savoir la Thora et l’Evangile) falsifiées par les juifs et les chrétiens?

Et d’ailleurs quel est le but du dialogue ? S’y rend-on avec l’arrière-pensée de convaincre l’autre ? C’est de l’hypocrisie qui ne dit pas son nom ! Est-ce alors par curiosité, ou pour apprendre de lui la vision qu’il a de sa propre religion ? C’est qu’on a vraiment du temps à perdre, et que notre foi est discutable et incertaine !

Je doute, Seigneur que ce soit par amour pour Toi, ou, ce qui est pareil, par amour des musulmans.

L’amour des musulmans supposerait qu’on soit prêt à tout partager avec eux, y compris ce qu’on a de plus cher. Or, et pour n’importe lequel de tes disciples, Seigneur Jésus, que y a t il de plus cher sinon Toi, notre Sauveur ?

En effet, si c’est par amour du Christ qu’on dialogue, comment se fait-il qu’on ne Le propose pas à son interlocuteur, comme étant ce qu’il y a de mieux à lui offrir ? S’il refuse d’écouter, si le dialogue est une impasse, Jésus n’a-t-il pas dit de secouer même la poussière de ses sandales ?

Peut-on forcer quelqu’un à aimer Celui qui est venu nous révéler que Dieu était Père avant tout ? Nous savons bien qu’en amour il n’y a pas de contrainte.

Et non pas, ainsi qu’on le dit, en religion : toutes les religions ont, plus ou moins, utilisé la contrainte ; tout comme les systèmes idéologiques. Car la religion, réalisation humaine par essence, reste inscrite dans le monde temporel. Certes elle est voulue par Dieu, et c’est l’Eglise pour nous chrétiens, avec sa « partie invisible » du reste. Mais elle ne doit pas être confondue avec la Parole de Dieu. Surtout quand cette Parole s’est incarnée : de sorte que l’apôtre Paul parle de l’Eglise comme d’une épouse, l’épouse du Christ. C’est bien là une preuve que les deux ne sauraient se confondre, bien que destinés l’un à l’autre.

La preuve enfin, s’il faut encore le souligner, qu’il s’agit bien d’amour dans la religion chrétienne, qu’il s’agit avant tout d’amour.

Le malentendu est donc là, gigantesque, insurmontable : puisque la révélation chrétienne dit de Dieu qu’Il n’est pas seulement juste, bon, clément, grand, indicible et miséricordieux, mais qu’Il est amour, comment pourrait-on accepter une autre conception de Dieu, sans se renier ?

Une conception qui dit qu’Il n’est pas amour, que c’est inconcevable et inacceptable, attentatoire à sa grandeur. Que par conséquent Il ne peut être « Père », et ne saurait avoir de Fils.

« Nous sommes les enfants chéris de Dieu, disent les juifs et les chrétiens. Réponds-leur : pourquoi donc vous punit-il de vos péchés ? » (Sourate 5, verset 21)

Derrière ce refus de l’amour de Dieu, il y a, non pas l’homme musulman, mais l’ennemi de l’homme, celui-là même dont le Coran dit, plus d’une fois : « Satan est votre ennemi déclaré. »(Sourate 7, verset 21). Toujours dans la même sourate : « O enfants d’Adam ! Que Satan ne vous séduise pas comme il a séduit vos pères, qu’il a fait sortir du jardin, » et encore ceci : « …je les assaillirai par devant et par derrière : je me présenterai à leur droite et à leur gauche. Bien peu te seront reconnaissants. »

Mais peut-être ne croit-on pas non plus en cet ennemi déclaré de l’homme ?

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Si on y croit, alors voilà le sujet tout trouvé d’un dialogue authentique entre chrétiens et musulmans : comment résister au Mauvais ?

Et comment résister à un ennemi invisible, si ce n’est avec l’aide de Dieu ? C’est à dire avant tout par la prière. Quel musulman nous interdirait de prier pour lui ? En tout cas, pour notre part, nous encourageons vivement celui qui voudra prier Dieu, pour nous, chrétiens.

Aussi, soyons lucides : les musulmans ne seront pas convertis par des arguments ou des moyens humains, si tant est qu’on espère leur conversion.

La conversion des musulmans, de tout homme au demeurant, est l’affaire du Bon Dieu. Tout simplement parce que le ‘converti’ sincère doit se tourner vers Dieu, qui seul, par son pardon, peut le remettre debout. Et ne plus se compromettre avec le Mal, en se faisant son allié, autrement dit « renoncer » à Satan et à ses œuvres !

Qu’on réalise une bonne fois pour toutes : Jésus ne nous demande pas de convertir qui que ce soit, mais de témoigner. Ce qui n’est pas la même chose.

J’ai témoigné auprès de ma femme pendant…30 ans. Et, – louange à Dieu et joie immense pour moi ! – elle vient seulement d’être baptisée, devenant, à son tour, enfant de Dieu en acceptant pour Seigneur et Sauveur Jésus Christ. Elle me le dit, du reste : « ce n’est pas toi qui m’a converti, mais les paroles du Christ dans l’Evangile. »

On a cru (maintenant encore parfois) que la conversion s’opérait par la force de persuasion du missionnaire, du prêcheur, qui se serait formé des années durant dans tel ou tel institut, débarquant bardé de théologie et de connaissances en langues sémitiques, les mortes comme les vivantes, diplômé de psychologie et d’ethnologie…

Même l’administration française, anti-cléricale à souhait, y aura cru au 19ème siècle, qui a réfréné l’ardeur et le zèle du tout nouveau ordre créé par Mgr Lavigerie – les Pères Blancs -, auquel elle a donné comme consigne de « surtout ne pas faire de prosélytisme en Algérie ». Seulement du « social ».

Alors qui convertit qui ?

Je l’ai dit dans un Algérien pas très catholique, je le redis encore : l’exemple des chrétiens rencontrés m’aurait plutôt éloigné de l’Evangile ; hormis celui des saints, dont j’ai lu les biographies, et qui, justement, ont pris au sérieux l’Evangile en tentant d’imiter Jésus, en se laissant transcender par Lui, allant jusqu’au bout de l’amour !

Qui veut évangéliser, commence d’abord par lui-même…

Rappelons nous les paroles fortes du Seigneur : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes » (Jn 12,32).

Et les musulmans ne sont pas exclus. En toute liberté, sans aucune contrainte : c’est même ici que Dieu nous attend pour exercer la liberté qu’Il nous a donnée !

Et j’ai cette certitude que les temps sont venus : les chrétiens tièdes vont laisser leur place, dans l’Eglise, à ceux qui ont faim et soif de justice, la justice selon la Bible, c’est-à-dire celle de Dieu, c’est-à-dire l’amour incandescent qui surpasse le respect, se hissant aux cimes de la charité, capable de donner sa vie pour son prochain. Chose qui ne se peut qu’avec l’aide de Dieu, à qui on laisse toute latitude pour nous transformer en offrande.

Au figuier stérile le Maître de la vigne laisse encore un délai, afin qu’il produise du fruit.

Et nous savons que ce fruit c’est celui de la conversion, et non pas celui des œuvres sociales afin de s’en prévaloir devant les hommes.

Quant à nous, chrétiens néophytes venant de la tradition musulmane, qu’on nous laisse témoigner pour Celui qui nous a prévenu :

« Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, le Fils de l’homme aussi se déclarera pour lui devant les anges de Dieu. Mais celui qui m’aura renié par devant les hommes sera renié par devant les anges de Dieu. »

Seigneur Jésus, tes paroles nous sont précieuses, elles sont éternelles.

Tu le sais, Toi, que c’est librement que nous avons adhéré à ton Evangile de vie ! Que nous importe, dés lors, ceux qui nous traitent d’apostats, si nous le sommes à cause de toi ?

Qu’il en soit ainsi pour ta plus grande gloire et pour les siècles des siècles !

Le 10/04/05.

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