Le journal algérien El-Watan vient de publier deux articles sur la situation des chrétiens Algériens. Comme ce journal archive de plus en plus les articles, nous les mettons à la portée de nos visiteurs. Mais que ce journal soit ici remercié d’oser dire la vérité sur leur situation.

1er article : interview du président de l’Eglise protestante d’Algérie, M. Krim Mustapha, pasteur:

Mustapha Krim. Président de l’Église protestante d’Algérie

De même que nous respectons les musulmans, nous aimerions être respectés en tant que chrétiens

le 11.11.11 | 01h00

– Quel est l’état du christianisme en Algérie en 2011 ?

Le 18 juillet, le ministère de l’Intérieur a envoyé un document de mise en conformité à l’Eglise protestante. Cette mise en conformité était en suspens depuis une vingtaine d’années. Rappelons tout de même que notre agrément date de 1974. Pendant des années, nous nous sommes battus pour une légalisation de la situation. Quant au nombre d’adeptes, nous enregistrons toujours des nouveaux venus. Une croissance naturelle et normale grâce à l’accès à l’information à travers des programmes satellitaires chrétiens. Des personnes font le pas régulièrement. D’autres développent leur foi en attendant une éventuelle conversion.

– On parle surtout des chrétiens de Kabylie, mais des communautés s’organisent aussi à l’Est, à l’Ouest, au Centre…

Oui. Dans les grandes villes, la situation est acceptable. En revanche, il est plus difficile de vivre sa foi dans les villages et les petites villes de l’intérieur du pays. Sans doute en raison du manque de tolérance et de culture de la part des populations.

– Peut-on concilier sa foi de chrétien et sa nationalité algérienne, y compris sa culture «arabe» ?

Je pense que oui, bien évidemment. J’aimerais rappeler, à cette occasion, que des Bibles en langue arabe sont disponibles, même si on peut éprouver des difficultés à les trouver dans le commerce, y compris en Kabylie, du fait de la foi musulmane de certains libraires. Cependant, elles sont disponibles dans toutes les églises. Pourtant, il n’est pas interdit de commercialiser la Bible, mais cette commercialisation est freinée par certains cheikhs et imams, et on ne peut que regretter cette situation.

– Qui peut-on rencontrer au sein de l’Eglise protestante d’Algérie ?

La plupart de nos églises sont constituées de nationaux et de quelques expatriés. La majorité des courants est d’obédience évangélique, mais on trouve aussi des adventistes. Les nouveaux chrétiens sont très réceptifs au protestantisme qui reflète en grande partie l’image purement culturelle de l’Algérie.

– Qu’en est-il de la loi de 2006 ? Que souhaitez-vous pour la suite ?

Il est clair que cette loi doit être soit abrogée, soit révisée. Lorsqu’elle a été promulguée, nous n’avons été consultés ni de près ni de loin. Depuis 2006, l’épée de Damoclès est suspendue au-dessus de nos têtes. Ce n’est pas aux musulmans seuls de décider pour nous. Il existe une possibilité de trouver un compromis entre l’Etat et les citoyens chrétiens. J’ajouterais que le code de la famille n’est pas conforme à nos convictions, en ce qui concerne la polygamie ou le divorce, d’autant que la condition de la femme ne répond pas aux critères universellement reconnus. Enfin, il n’est pas normal qu’on ne puisse pas donner le prénom de notre choix à nos enfants. Imaginez le combat que peut éprouver un couple qui veut donner un prénom biblique à son nouveau-né !

– Quel message avez-vous envie de faire passer aux musulmans ?

Nous aimerions vivre dans la dignité et la liberté. De même que nous respectons les musulmans, nous aimerions être respectés en tant que chrétiens. Nous souhaitons vivement que les lois de la République se détachent de la religion et, pourquoi pas, que nous nous orientons vers la laïcité.

Noël Boussaha