Article de France Catholique du 17 décembre 2007 (par admin)

 

N’ayez pas peur  ! Cette apostrophe du Seigneur résonne aujourd’hui de plusieurs façons au cœur des chrétiens d’Algérie  : ne pas craindre les menaces qui pèsent sur eux, et ne pas craindre non plus de témoigner implicitement et explicitement de l’amour du Christ pour les hommes et les femmes d’Algérie. Combien y a-t-il de chrétiens en Al­­gérie  ? Selon les meilleures sources, on estime le nombre des catholiques à 4 000 (statistiques du Vatican ou du Département d’État américain), 10 000 (selon le gouvernement algérien) ou 11 000 (selon des chiffres publiés par l’ONU), voire 25 000 selon certains journalistes occidentaux.

Parmi ces chrétiens, les citoyens algériens sont minoritaires, car le groupe le plus important est celui des étudiants d’origine subsaharienne. Il faut aussi mentionner des catholiques libanais, européens et chinois. Quant aux protestants, de diverses dénominations, les chiffres sont encore plus flous  : de 3 000 à 20 000. D’autres chiffres plus importants, diffusés par des sources anglo-saxonnes, paraissent fantaisistes.

Pour ces chrétiens vivant en Algérie, et plus particulièrement pour la communauté catho­lique, une certaine inquiétude a prévalu, il y a quelques mois, en raison de l’adoption, le 20 mars 2006, par le Parlement algérien d’une loi prévoyant entre autres de sévères peines de prison contre ceux qui utilisent “des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion” ou à “ébranler sa foi”.

Mgr Henri Teissier, archevêque d’Alger, se veut relativement rassurant à propos de la communauté catholique  : “Cette ordonnance s’adresse surtout au mouvement évangéliste, qui se développe en Algérie depuis une vingtaine d’années. Malgré tout, nous sommes aussi concernés par ce texte et regrettons qu’il ait été assorti d’un troisième chapitre avec des dispositions pénales (allant de 5 000 à 10 000 €) contre ceux qui auraient séduit ou converti des Algériens. Cela ne correspond pas à la réalité de notre existence dans la société algérienne. Quoi qu’il en soit, nous avons déjà affronté la mort, quand les islamistes nous ont menacés, et 10 % d’entre nous sont morts. Si l’on veut nous mettre en prison, nous irons en prison. Cela ne nous pose aucun problème”.

Un fait relativement nouveau dans la vie des chrétiens d’Algérie mérite d’être cependant noté et médité, qui est la progression du nombre de conversions au christianisme, en particulier parmi les Kabyles. Même s’il faut noter un certain activisme missionnaire de la part des évangé­listes, il y a aussi quelque chose de manifestement spontané, en lien avec l’histoire. En plus de 40 ans d’indépendance, le Maghreb a testé le nationalisme socialiste, l’islam politique et la dictature plus ou moins débonnaire. On peut faire l’hypothèse d’une déception chez une partie des Maghrébins, face à ces grands courants politiques qui n’ont pas tenu leurs pro­messes. Pour les Kabyles se pose le problème particulier de la négation, par le gouvernement central, de leur culture propre face à la langue arabe et, peut-être, face à l’islam… Mais il n’est pas sûr que les éléments culturels jouent beaucoup. Selon les té­moignages recueillis, la découverte de la figure du Christ se fait à la suite de conversations, de lectures et parfois de songes.

Toujours est-il que l’on se trouve face à d’authentiques conversions et à la constitution de solides petites communautés qui, si elles suscitent incompréhension et hostilité de la part des familles et des voisins, n’en continuent pas moins à essaimer.

Le développement du phénomène depuis les années 1990 est connu des autorités, d’où la réaction de 2006. Il a été sous le feu d’une médiatisation parti­culière, après un reportage télévisé, diffusé en France en novembre 2004, sur la chaîne Arte.

On a revu souvent ce reportage, et d’autres depuis, notamment sur la chaîne catholique KTO. Il a été repris, malgré des tentatives de censure, sur des dizaines de sites internet (Dailymotion, YouTube…) et consulté des centaines de milliers de fois avec des réactions de tous ordres, souvent très hostiles, montrant son impact au Maghreb mais aussi sur les jeunes musulmans en France. Les faits montrés étaient pourtant mo­destes  : une communauté d’une vingtaine de jeunes chrétiens célébrant la messe dans un maquis isolé à quelques kilomètres de Tizi Ouzou, une seule famille chrétienne ayant accepté de se montrer à visage découvert, un baptême dans une baignoire… Qu’en est-il depuis trois ans  ? Il semble que le mouvement s’étend, avec plus de prudence peut-être.

Du point de vue catholique, la situation est inédite. L’Église d’Algérie est conduite, en ses nouveaux membres, à un difficile et enthousiasmant défi. Refusant avec insistance tout prosélytisme, l’Église est forcée de reconnaître que l’Esprit souffle où Il veut. Voilà qui pourrait devenir embarrassant  ! ■