Un massacre en préparation ?

Des signes avant-coureurs précèdent toujours les massacres. On l’a vu au Rwanda avant 1994. En Orient, on l’a vu peu avant les massacres de 1860, 1908, et surtout le génocide de 1915, continué en 1923. Cette logique d’épuration s’est retournée après 1916 contre les Kurdes (faute de chrétiens ?) – eux qui avaient largement pris part au génocide. L’histoire de l’Egypte est largement émaillée de cette logique qui a fait qu’une petite minorité d’occupants qui se sont imposés par la guerre et la terreur a réussi, après plusieurs siècles, à s’agréger la majorité de la population.

La préparation des génocides est toujours à peu près la même. Des autorités politiques ou religieuses présentent leur groupe (les musulmans) comme « victime » d’un ennemi (les chrétiens) qui leur voudrait du mal. Elles appellent donc à se préparer à éliminer cette menace qui, pour ce qui relève de la conception islamique, ne devrait pas exister : puisque la religion parfaite est là – l’Islam -, les chrétiens (et les juifs) devraient avoir déjà disparu depuis longtemps. Comme sociologue, Claude Lévi-Strauss avait décrit cette pente inéluctable de la « foi » islamique :

« L’intolérance musulmane, écrivait-il dans Tristes tropiques, adopte une forme inconsciente chez ceux qui s’en rendent coupables ; car s’ils ne cherchent pas toujours, de façon brutale, à amener autrui à partager leur vérité, ils sont pourtant (et c’est plus grave) incapables de supporter l’existence d’autrui comme autrui. Le seul moyen pour eux de se mettre à l’abri du doute et de l’humiliation consiste dans une « néantisation » d’autrui, considéré comme témoin d’une autre foi et d’une autre conduite. La fraternité islamique est la converse d’une exclusive contre les infidèles qui ne peut pas s’avouer, puisque, en se reconnaissant comme telle, elle équivaudrait à les reconnaître eux-mêmes comme existants… ».

En 2009, on avait connu la campagne monstrueusement absurde de destruction des élevages porcins – une décision prise par le Parlement égyptien, accompagnée de propos effrayants contre les citoyens coptes et suivies de nombreux meurtres, enlèvements, violences, etc. Le 15 septembre dernier, sur la télévision Al-Jazeerah, Selim el-Awah, ancien Secrétaire général du Conseil Mondial des Docteurs musulmans, s’en est pris à l’Eglise copte, qui compte au moins dix millions de fidèles (il n’y a pas de recensement en Egypte – le gouvernement et les islamistes s’y opposent). Il accusa les Coptes de stocker des armes dans les églises et les monastères, et de préparer une guerre contre les musulmans avec l’appui d’Israël. Si, dit-il, « le statut de l’Eglise copte ne change pas [dans le sens de son auto-disparition], le pays va brûler ». Deux jours plus tôt, le « front des Docteurs d’Al-Azhar » avait appelé à boycotter les entreprises coptes, ainsi que les magasins, écoles et professionnels coptes ; cette coïncidence témoigne d’une secrète coordination, explique le penseur musulman Ayman Abdel Rassol, ajoutant qu’en fait d’armes stockées, les mosquées, elles, en recelaient, surtout en Haute-Egypte.

Le juge copte Mamdouh Nakhla, qui dirige le Centre Al-Kalima des droits de l’homme, évoque lui aussi un plan terroriste en vue de commettre plusieurs massacres. Un autre observateur précise : « Ce ne sera pas comme dans les années ‘70 ; cela risque d’évoluer vers ce que fut le génocide de 1915 en Turquie ».

Le salafisme diffusé par l’argent de l’Arabie Saoudite qui veut imposer la stricte conformité au Coran (et aux préceptes qui en sont inspirés) n’est pas étranger à la situation. L’argent d’un côté, le texte coranique de l’autre : le musulman égyptien est coincé. Car il est difficile d’interpréter « spirituellement » des versets comme : “Allah aime ceux qui vont jusqu’à tuer pour Sa cause” (Allah yuhibbu alladîna yuqâtilûna fy sabîli-Hi – sourate 61:4 [le verbe employé est qatala, tuer, à la 3e forme c’est-à-dire aller jusqu’à]). Ou : “Ce n’est pas vous qui les avez tués [les infidèles], c’est Allah qui les a tués” (sourate 8:17) [1].

Le chaos qui domine la société égyptienne depuis plusieurs années, en particulier depuis la maladie du Président Moubarak, laisse la porte ouverte aux islamistes, du fait des éléctions législative et présidentielle. La guerre de succession est commencé. Moubarak veut que son fils Gamal lui succède, contre une majorité des Egyptiens. Tous les partis politiques jouent, d’une manière ou d’une autre, la carte des sinistres Frères musulmans. Le régime de Moubarak joue cette carte aussi et en montrant à la rue égyptienne, très islamisée, qu’il est le vrai garant de l’islam. Il laisse parler et écrire les islamistes les plus extrémistes musulmans : face à la crise économique sans précédant dans le pays, les Coptes servent de boucs émissaires. De plus, le régime voudrait diminuer l’intervention de l’église Copte dans sa défense des droits de ses fidèles. Le but est clair : éliminer ou au moins marginaliser complètement les Coptes de toute la vie sociale et économique, de telle sorte qu’il ne leur reste que deux choix : quitter l’Egypte ou de devenir musulmans.

Cette vague d’anti-christianisme accompagnée de discriminations ou d’agressions journalières est le fait d’une minorité. Ceci étant, les massacres sont toujours le fait de groupes minoritaires, mais organisés, et qui sont forts de la passivité d’une majorité anesthésiée ou de sa complicité. Seule une campagne internationale peut empêcher le pire. Les « dialogues islamo-chrétiens » pourraient servir à cela…

Sites à consulter: www.franco-copte.fr ; www.unitedcopts.org ; coptic-news.net/French/F_news.html

le site EECHO

[1]Le Dieu de l’islam assume en effet les meurtres commis en Son nom. Voir aussi sourate 9:30 – ce sont les juifs qui sont visés là – et 5:33 ; 2:244 ; 9:14.74.111 ; 49:29 ; 60:7.