Dans la préface de Abécédaire du christianisme et de l’islam” (Editions de Paris, 2008)  Dominique et Marie-Thérèse URVOY [1] présentent ainsi leur livre :

“Ce petit lexique est destiné aux catholiques engagés dans des échanges avec des musulmans. Trop souvent les acteurs ne font pas attention à la signification et à la portée réelle des mots qu’ils emploient. Des musulmans d’origine étrangère peuvent être tentés d’utiliser des notions qui leur paraissent s’approcher de ce qu’ils veulent dire, sans se rendre compte des pièges que représente ce caractère approximatif. Certains apologètes jouent même de cette ambiguïté pour masquer les difficultés. Des catholiques trop peu formés se laissent envahir par la rumeur des médias, au point qu’on peut entendre des formules telles que ‘ le carême est le ramadan des chrétiens’, formules qui sont non seulement contestables dans leur fond mais qui supposent une véritable soumission à la prédominance de l’autre.

Il ne s’agit pas de soumettre l’interlocuteur musulman au langage et aux références chrétiennes ; il ne s’agit pas non plus que les catholiques se soumettent au langage et aux références de l’interlocuteur musulman. Il s’agit de savoir ce que l’on dit de part et d’autre.

De son coté l’éditeur résume ainsi le contenu de cet ouvrage dans le quatrième de couverture:

Alors que les musulmans revendiquent d’être reconnus comme tels et justifient religieusement les signes distinctifs qu’ils affichent, il est nécessaire de connaître exactement le support spirituel et dogmatique de leur identité. Des formules telles que “l’amour de Dieu” oul’amour du prochain” ont des sens différents selon les traditions respectives des chrétiens et des musulmans. Cet Abécédaire permettra de savoir ce qu’il y a réellement sous les mots employés et d’éviter ainsi tout malentendu. Si l’équivoque paraît souhaitable à certains pour une politique à court terme, elle ne ferait qu’empoisonner une coexistence à long terme

Le projet de ce volet, intitulé “Du vocabulaire de l’Islam”, en tant qu’élément de la rubrique “Dialogue islamo-chrétien» est né de la même analyse. Il s’agit de fournir, aux personnes engagées dans le dialogue islamo-chrétien, des informations de nature différente de celles données dans les deux autres volets “Chronique des événements du dialogue”, et “Réponses chrétiennes aux objections musulmanes”, plus exactement  à partir d’articles, ou extraits d’articles, conduisant à une définition précise des mots, des concepts, utilisés. Cet objectif impose logiquement que de tels articles soient écrits par des spécialistes reconnus de l’islam, possédant en même temps une connaissance solide de la théologie chrétienne. La matière de “Du vocabulaire de l’Islam” sera choisie sur la base de ce critère.

Il est évident que l’utilisation d’un vocabulaire éliminant l’ambiguïté des termes, les formules imprécises, l’équivoque, est une condition nécessaire au dialogue. C’est à propos de cette équivoque, largement répandue dans les échanges islamo-chrétiens, que Jacques JOMIER [2] disait: “Le gros danger pour les chrétiens, au point de vue duquel je me place ici, est la paresse intellectuelle. Elle leur fait appliquer à l’islam des schémas de pensée chrétiens, ce qui les mène à le comprendre comme une sorte de christianisme”. Une telle situation est due au fait qu’à première vue les deux religions semblent avoir beaucoup de points communs, ce qui est la source de nombreuses confusions, et erreurs. François JOURDAN [3] dans son livre “Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans” (Editions l’Oeuvre, 2008), et Rémi BRAGUE [4] dans la préface, les analysent.  Limitons nous à deux exemples : le premier concerne l’affirmation répandue  “nous avons le même Dieu” (pages 31-33), le second l’identification de ‘Îsâ  à  Jésus (pages 141-151).  Ainsi, sur ce dernier point, lorsque le Coran nomme Jésus “‘Îsâ “, toute la signification chrétienne de ce nom disparaît. Il n’a alors aucun rapport avec celui donné par les arabes chrétiens, qui utilisent le nom donné par l’ange Gabriel à Marie et Joseph dans la Bible “Yashou”, c’est à dire “Il Sauve”. Pour les hébreux le nom reflète la nature profonde de l’être, c’est pourquoi en hébreu Jésus “Ieschoua” se traduit par “Dieu sauve”. Sous ces deux derniers noms Jésus se manifeste comme rédempteur, Vrai Dieu et Vrai Homme, ce que rejette farouchement le Coran. Sous le titre “Jésus dans l’islam” Marie-Thérèse URVOY développe ce point dans  lumiere101.com/2008/10/07/jesus-dans-lislam/ , où elle nous dit en quoi ‘Îsâ est radicalement différent du Jésus du christianisme, au point que le grand théologien du XIème siècle al-Ghazâli proclame dans son traité de la “Revivification des sciences religieuses“: “cent vierges forment sa rétribution au paradis en récompense de sa chasteté sur terre”. 




Une source d’informations de haut niveau, dans le domaine qui vient d’être défini est le “Dictionnaire du Coran



(Robert Laffont, Collection Bouquins, septembre 2007), publié sous la direction de Mohammad Ali Amir MOEZZI, directeur adjoint du Centre d’études des religions du Livre et directeur d’études à l’École pratique des hautes études. Cet ouvrage contient plus de 500 articles rédigés par 27 experts de toutes nationalités (français, belge, italien, tunisien, algérien, iranien, israélien…) et de diverses écoles islamologiques.  Pour la première fois le grand public a ainsi accès à une étude rigoureuse, scientifique et distanciée du Coran (cf.  www.laffont.fr/bouquin/livre.asp?code=978-2-221-09956-8). L’excellent site “Studia Arabica”  www.studia-arabica.net/, fondé par Jean-Luc de Carbuccia éditeur des Editions de Paris, reprend nombre de ses articles. C’est bien vivement que “Notre-Dame de Kabylie” remercie la direction de ce site, ainsi que les professeurs Dominique et Marie-Thérèse URVOY, qui ont autorisé la reproduction de leurs publications dans ce volet (“Du vocabulaire de l’Islam”) de la rubrique “Dialogue islamo-chrétien”, sans oublier la rédactrice en chef de “Studia Arabica” sans l’aide de laquelle le projet de ce volet n’aurait pas abouti.

Notes

[1] Marie-Thérèse Urvoy et Dominique Urvoy sont deux universitaires, auteurs d’un grand nombre d’ouvrages et articles sur l’islam et la pensée arabe. Outre Abécédaire du christianisme et de l’islam” (Editions de Paris, 2008)  ils ont coécrit “L’action psychologique dans le Coran” (Editeur Cerf),  Les mots de l’islam” (PUM, 2004).

Plus précisément Marie-Thérèse Urvoy est professeur d’islamologie, d’histoire médiévale de l’islam et de langue arabe à l’Université catholique de Toulouse. C’est le dominicain Jacques Jomier, titulaire de ce poste avant sa retraite, qui a demandé à cette islamologue renommée de lui succéder. Elle a publié les ouvrages suivants:

– Le traité d’éthique de Yahya ibn ‘Adi, Cariscript, Paris, 1991.

– Le psautier Mozarabe de Hafs le Goth, PUM, CNRS, 1994.

– En hommage au Père Jacques Jomier o.p., Le Cerf, 2002. 

– Dictionnaire du Coran (25 articles) sous la direction de Mohammad Ali Amir Moezzi, Coll. BOUQUINS, Editions Robert Laffont, 2007.

Dans la Collection “Studia Arabica” aux Editions de Paris, elle a contribué à une série d’ouvrages mentionnés dans:

 www.studia-arabica.net/spip.php?article226&var_recherche=Itinéraire.

Dominique Urvoy est professeur de pensée et civilisation arabes à l’Université de Toulouse II. Il a publié plusieurs ouvrages sur la vie intellectuelle dans l’Espagne musulmane, la confrontation islamo-chrétienne et les penseurs arabes indépendants dont :

– Le Monde des ulémas andalous du Ve/XIe au VII/XIIIe siècle, Étude sociologique, Droz, 1978.

– Penser l’islam, Les présupposés islamiques de l’art de Lulle, Vrin, 1980.

– Ibn Rushd (Averroès), Cariscript, 1996.

– Les Penseurs libres dans l’Islam classique, L’interrogation sur la religion chez les penseurs arabes indépendants, Albin Michel, 1996, Flammarion, « Champs », 2003.

– Averroès, Les ambitions d’un intellectuel musulman, Flammarion, 1998, « Champs » 2001.

– Histoire de la pensée arabe et islamique, Editions du Seuil, 2006.

 Pour plus de détails sur l’itinéraire professionnel de cet islamologue, consulter:

www.studia-arabica.net/spip.php?article227&var_recherche=Itinéraire

 [2] Dominicain le R. P. Jacques Jomier, décédé le 7 décembre 2008, a longtemps vécu en terre musulmane, plus spécialement au Caire. Il est professeur puis membre du groupe des dominicains du Caire devenu en 1953 Institut dominicain d’études orientales. Entre 1963 et 1983 il est professeur au grand séminaire “al Maadi” au Caire, à Mossoul et à Ibadan, puis il est nommé professeur visiteur à la faculté de théologie de l’université de Kinshasa (Zaïre). Il est ensuite nommé à l’Institut catholique de Toulouse. Entre 1973 et 1985 il est consulteur au secrétariat pour les non-chrétiens au Vatican. Il était également membre de l’Institut d’Égypte. Ce dominicain est non seulement un spécialiste du Coran et de l’Islam, mais aussi un artisan du dialogue islamo-chrétien. Un thème cher à son cœur est la question des interprétations tendancieuses qui ont empoisonné les relations entre chrétiens et musulmans. En 2002, Marie-Thérèse Urvoy et quelques amis lui offrent un beau volume de Mélanges, qui reflète la richesse de son parcours : En hommage au père Jacques Jomier, o.p., Cerf, 2002. Il est l’auteur de divers articles et études dans Mideo(Mélanges de l’Institut dominicain d’études orientales), l’encyclopédie de l’Islam, l’encyclopaedia Universalis, et des ouvrages suivants:

– Le commentaire coranique du Manar (Thèse  de docorat 1954)

– Le Mahmal et la caravane égyptienne des pèlerins de la mekke (1953)

– Bible et Coran.(Paris, Ed. du Cerf, 1959)

– Vie du Messie (Cerf, 1963)

– Les grands thèmes du Coran. Éditions du Centurion (1978)

– L’islam aux multiples aspects (article de 1982), repris et complété sous le titre Pour connaître l’Islam (Cerf, 1988)

– Un Chrétien lit le Coran (Cerf, 1984)

– L’islam vécu en Égypte. Editeur Vrin, Paris (1994)

– Dieu et l’homme dans le Coran.Editions du Cerf (Paris, 1996).

 

Pour plus de détails voir l’hommage de Marie-Thérèse Urvoy

www.studia-arabica.net/spip.php?article280  

www.studia-arabica.net/spip.php?article281

et celui de Roger Arnaldez membre de l’Institut:

www.studia-arabica.net/spip.php?article278, www.studia-arabica.net/spip.php?article279.

[3] Prêtre eudiste François Jourdan est docteur en théologie, docteur en histoire des religions. Délégué du diocèse de Paris pour les relations avec l’islam (depuis 1998), de 1994 à 1998 il a enseigné la mystique islamique à l’Institut Pontifical d’Etudes arabes et islamiques (le PISAI de Rome). Depuis 1992 il enseigne à l’Institut catholique de Paris. Outre “Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans” (Editions l’Oeuvre, 2008), François Jourdan est l’auteur de “La tradition des sept dormants” Maisonneuve & Larose, Paris, 1983 [2001]. Plus de détails sont donnés dans www.studia-arabica.net/spip.php?article122.

 [4] Rémi Brague a été un brillant élève de l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm en 1967. Il est agrégé de philosophie en 1971, et soutient sa thèse de doctorat en 1976, sous la direction de Pierre Aubenque. Chargé de recherches au CNRS, 1980-1988, il fait des études d’arabe littéraire à l’INALCO (1985-1987), puis professeur à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, il dirige le centre de recherche “Tradition de la pensée classique“, et le “Groupe de Recherche Antiquité, Moyen-Age, Transmission Arabe” à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il a aussi enseigné dans six universités étrangères. Membre de la Société Internationale d’Histoire des Sciences et de la Philosophie Arabes et Islamiques, il a été consulté en tant qu’expert par une quinzaine d’universités étrangères.

Il est l’auteur de très nombreux ouvrages, et articles, dont les détails sont donnés gramata.univ-paris1.fr/MEMBRES/brague.html