Quel avenir pour les Berbères ou Amazighs, en Tamazgha, l’Afrique du nord ?
Leur situation est encore plus compliquée que celle des Coptes d’Égypte ; dans la mesure où Ils sont pris entre le marteau et l’enclume, celle-ci étant l’arabité imposée et le marteau une religion islamique plus ou moins acceptée selon les régions.

Si, au cours des 14 derniers siècles, la grande majorité d’entre eux s’est peu à peu arabisée, il en est d’autres qui ont farouchement gardé leur spécificité et ont refusé de se fondre dans le conglomérat arabo-musulman, en se refugiant loin du pouvoir citadin, qu’il soit étranger ou local, tant au nord qu’au sud, à l’ouest comme à l’est.

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Ignorés ou écartés dans la fondation des états issus de la décolonisation, les Berbères, depuis surtout les années 1980, ont choisi de s’approprier (ou de se réapproprier) leur identité multiséculaire en prenant le nom générique d’Amazighs (Imazighen dans la langue tamazight), mot signifiant “homme libre”, par un consensus général, hormis chez les Touaregs chez lesquels cette dénomination ne semble pas encore acclimatée. Ce nom est cependant attesté dés l’antiquité et il est encore porté par les Berbères de l’Atlas marocain.
Il faut rappeler une constante qui prévaut dans l’islam : l’idéal n’est pas l’État-nation mais la communauté musulmane, appelée Oumma, dirigée par le calife, le successeur de Mahomet. De sorte que les états modernes indépendants les uns des autres et ne se réclamant pas de la loi musulmane, sont une nouveauté importée d’Europe. Il est bien connu que c’est la défaite de l’empire ottoman, pendant la première guerre mondiale, qui a donné naissance aux pays du Proche-Orient. Pour les autres pays arabes d’Afrique ils sont le résultat d’un découpage, presque arbitraire, des puissances coloniales.
L’autre apport de l’Occident c’est la scolarisation, en masse, des enfants musulmans, y compris celles des filles. Précisons que cette scolarisation a introduit l’apprentissage de nouvelles matières, comme l’histoire de sa nation, qui n’étaient pas enseignées dans les rares medersas, avant l’influence des Européens.
Cette influence est à l’origine des indépendances en Afrique du Nord et de la constitution des états en Orient arabe, notamment. Elle est aussi à l’origine de la question qui se pose aujourd’hui, de manière cruciale, celle de la séparation des pouvoirs temporel et spirituel, qui est refusé par le texte islamique pris à la lettre.
Et c’est à cette problématique que sont confrontés les Berbères qui souhaitent acquérir un minimum d’indépendance politique, pour développer leur culture et leur langue.
Rappelons quelques étapes de cette revendication amazighe :
           prise de conscience par des Algériens travaillant en France, dont une majorité de Kabyles, dans les années 20 à 50, d’une nécessaire émancipation pour prendre, dans leur pays d’origine, la direction des affaires.
           Participation aux guerres de libération, lesquelles mettent en sourdine la spécificité berbère.
           Confiscation des indépendances, au Maroc et en Algérie, dans les années 60, au profit de ceux qui se réclament de l’arabisme.
           Premier conflit politique en Algérie, en 1963, entre les Kabyles et le pouvoir, aboutissant quelque deux ans après, à la constitution de l’académie berbère à Paris.
           Soulèvement kabyle de 1980 et apparition de la revendication culturelle et linguistique kabyle, au plan algérien et international, qui ne cessera pas de s’amplifier. Malgré quelques concessions le pouvoir politique se garde d’y apporter les solutions adéquates, à ce jour.
           Apparition de la même revendication chez les Amazighs du Maroc dans les années 1990, obligeant le roi (Hassan II) à leur accorder une reconnaissance (1995) qui peine à se concrétiser dans les faits, tout comme en Algérie.
           À la même époque, au début des années 90, il y eut la reprise des révoltes des Touaregs du Niger et du Mali. En dépit d’accords de paix, vers les années 1995-96, de nouveaux mécontentements se manifestent au milieu des années 2000. De cette succession de périodes de révolte et de paix, naîtra la proclamation d’indépendance, au Mali, de la région touarègue de l’Azawad. Mais elle a été contrariée par les visées islamistes, provoquant, en janvier 2013, l’intervention de la France, suite à la déconfiture du pouvoir malien.
           Auparavant, bien que passé inaperçu en France, les Libyens amazighs ont fait parlé d’eux lors de la chute de Kadhafi et continuent de porter haut et fort la prise en compte de leur spécificité dans la construction de leur pays après les années de plomb de la dictature.
Les autres pays (Tunisie, Maurétanie, Égypte et Burkina-Faso) ont des minorités berbères peu organisées et qui ne font pas parler d’elles.
En revanche la diaspora amazighe se fait entendre en Europe et en Amérique du nord.
 
Ce qu’il faut noter c’est l’opposition, presque partout, des arabo-musulmans à ces revendications: ils se sont appuyé sur l’arabité et sur la langue arabe, en Algérie et au Maroc durant les dernières années du XXe siècle ; et, depuis, leur opposition  s’appuie sur l’islam, comme nous pouvons le voir en Libye et au Mali.
Les Berbères ou Amazighs sont donc bien entre le marteau et l’enclume, que sont l’islam et le nationalisme arabe : quand on ne leur oppose pas l’un on leur oppose l’autre. Donc rien de nouveau ?
Il y a une nouveauté, toutefois, qui se profile avec netteté : la réalisation de l’unité arabe est en passe d’être supplantée par l’unité de l’Oumma, dans l’esprit de ceux qui rêvent d’établir le nouveau califat, à l’échelle de la planète. Qu’importe la fin de l’Algérie, du Maroc ou de l’Égypte, qu’importe la destruction de l’Irak, de la Syrie ou même du Liban, dés lors que l’Oumma aura accouché de l’ordre mondial islamique, sous la houlette d’un calife reconnu par tous les musulmans.
Cependant les masses musulmanes ne semblent pas prêtes. Et c’est ce que viennent de nous montrer les Égyptiens, qui ont dégagé leur ex-président frère-musulman :
Accords secrets de Morsi pour vendre l’Égypte à ses voisins, morceau par morceau : 40% du Sinaï au Hamas et aux Palestiniens, la Nubie à Omar el-Béchir, et la portion ouest du territoire à la Libye… Selon les propos du père Boulad, jésuite égyptien.
Les Frères musulmans n’ont jamais caché leur ambition de faire de l’Oumma le seul et unique état islamique, et de la charia sa loi.
  
Cette nouvelle donne sera-t-elle bénéfique aux Berbères ?
Non s’ils sont attachés au triomphe de l’islam, lequel se définit par la « soumission ».
Oui s’ils sont vraiment libres, comme ils le revendiquent en se donnant le nom d’Amazighs. Car la liberté vient de Dieu et non pas des hommes, l’indépendance du pouvoir temporel aussi. Si bien qu’ils devront se garder, une fois leur liberté reconquise, de l’aliéner à un autre nationalisme, fût-il amazigh, qui pourrait s’avérer tout aussi injuste et ségrégationniste.
La fameuse phrase de Jésus, « rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu », signifie en réalité qu’il faut se libérer de César pour être tout à Dieu. Autrement dit : ne devenons pas esclaves en nous encombrant de ce qui appartient à César, puisque c’est passager et momentané ; libérons-nous en et tournons-nous vers les choses éternelles qui sont auprès de Dieu.
Le même Jésus a dit : « la vérité vous rendra libre » ; on peut donc valablement conclure que c’est par la liberté qu’on accède à la vérité.
Dieu ne veut pas des esclaves mais des femmes et des hommes libres, qui acquiescent librement au statut de filles et de fils qu’Il veut leur octroyer !