Dont voici la teneur:

 

Sortir la Kabylie de l’oubli

Les autorités ont célébré « avec faste » les quatre années du second mandat de Bouteflika. Mais le silence a pesé sur un dossier, celui de la Kabylie. Or, un lourd contentieux existe entre la région et l’Etat, spécialement depuis la confrontation avec les Archs début de la décennie 2000. Sur ce différend non réglé s’est sédimentée une grave crise économique et sécuritaire. Si elle partage les mêmes maux que les autres coins du pays, la région, notamment la wilaya de Tizi Ouzou, se singularise par un grave désinvestissement, tant public que privé. Il n’y a pratiquement plus de nouveaux créateurs de richesse et les investisseurs déjà implantés vivent dans l’incertitude et la peur du lendemain. Beaucoup ont quitté la zone et un grand nombre pense à plier bagage, particulièrement depuis la vague d’enlèvement d’entrepreneurs. Tizi Ouzou partage avec Boumerdès un climat sécuritaire des plus précaires du pays, eu égard au nombre d’actions terroristes en direction des services de sécurité et de la population. Celle-ci au demeurant n’a jamais connu d’accalmie depuis 1992, la Kabylie devenue terrain de prédilection du GSPC du fait de ses particularités géographiques et en raison, à un second degré, du départ des unités de gendarmerie sous la pression des Archs. Les habitants sont gagnés par le découragement et la hantise du quotidien comme du lendemain. S’il n’est pas spécifique à la région, le recours au suicide y est alarmant. L’élément le plus aggravant reste sans conteste le sentiment d’abandon, voire de mépris par l’Etat. La manière chaotique et brutale avec laquelle a été gérée l’affaire dite des évangélistes a apporté de l’eau au moulin de tous ceux qui, et ils sont nombreux, croient à l’existence d’une sorte de « stratégie de la tension », c’est-à-dire d’une certaine volonté des pouvoirs publics de laisser faire les choses afin de « punir » la Kabylie pour son irrédentisme et sa nature rebelle. Ce sentiment a été exacerbé par la gestion en queue de poisson de la crise qui oppose l’Etat aux Archs : la justice n’a pas tranché sur les décès des jeunes par balle des gendarmes et la revendication de l’officialisation de la langue amazighe a été ignorée superbement. En dépit de cela, il y a toujours espoir que l’Etat assume ses responsabilités. Tout récemment, l’Assemblée populaire de la wilaya de Tizi Ouzou a lancé un appel pathétique aux autorités leur demandant un « traitement spécial » pour la région qui pourrait, en matière économique, avoir les contours d’un « Plan Marshall » ou d’un programme spécial « à la Boumedienne ». Pourquoi pas, ce serait une bonne bouffée d’oxygène qui amarrerait la région avec les autres wilayate du pays, ferait renaître l’espoir notamment chez les jeunes consumés par le chômage candidats bien déterminés à l’exil. Mais le dossier Kabylie ne peut être définitivement clos que si toutes les autres questions, certaines d’ordre culturel, sont posées sur la table.

Ali Bahmane