C’est notre frère Karim qui nous invite à cette double méditation :

1- Ce soir je médite ce passage de Thomas Merton (Le Nouvel Homme dans le chapitre Vivre dans le Christ).

« Connaître Dieu créateur de l’univers est une chose. Connaître le Père comme Celui qui a envoyé son Fils et S’est révélé en Lui est tout différent. Dans le premier cas, on connaît quelque chose « sur » Dieu ; dans le second on pénètre dans le mystère infini de Dieu Lui-même. Nous pouvons vraiment comprendre un peu l’amour de Dieu quand nous Le reconnaissons comme la source de notre être. Mais nous apprenons par expérience que Dieu est amour, Deus caritas est, lorsque nous comprenons que nous sommes unis au Fils que le Père a envoyé, que le Père envoie le Fils qui est en nous, et que le Saint-Esprit nous enseigne que le Père et le Fils sont un. Cet Esprit divin, en nous conduisant à l’union au Verbe, nous éclaire sur l’amour infini qui rayonne éternellement du Père comme d’un principe qui n’a pas de commencement. »

Et puis celle-ci:

2- Conversion de Saint Augustin à la Présence intérieure

“Tu étais avec moi. C’est moi qui n’étais pas avec Toi”

De Maurice Zundel : retraite au Vatican, version orale 02/1972, p. 16-17

“C’est l’expérience de Saint Augustin, l’expérience où il nous livre le coeur de sa conversion dans ces quatre lignes immortelles: “Tard je t’ai aimée, Beauté si antique et si nouvelle, tard je t’ai aimée et pourtant tu étais dedans: c’est moi qui étais dehors où je te cherchais en me ruant sans beauté vers ces beautés que tu as faites. Tu étais avec moi. C’est moi qui n’étais pas avec Toi. ” “Tu eras mecum et ego non eram tecum. ”

Augustin, ce grand génie, ce merveilleux écrivain, ce penseur si profond, ce grand lecteur de tous les livres, ce grand recteur, ce grand professeur, ce grand platonicien qui a cherché avec tant d’ardeur, avec tant de passion, qui a cherché la vérité, qui a cru l’atteindre à travers les sectes, à travers le manichéisme où il est demeuré un certain temps, qui a cru la rejoindre dans Platon et qui a, en effet, gardé jusqu’à la fin une immense vénération pour celui qui avait si bien parlé du Logos. Mais tout cela ne l’avait pas libéré de lui-même: il y avait un fond de sensualité dont il n’avait pu triompher malgré toute sa quête de vérité et de beauté, malgré tout son génie, malgré l’expression splendide de sa pensée et de son discours. Il était là, à trente trois ans, encore esclave de sa chair non transfigurée et voilà que, tout d’un coup, il est saisi, voilà qu’il rencontre dans une lumière irrésistible cette Présence qui va le guérir de lui-même, cette présence de la Beauté si antique et si nouvelle qui est Quelqu’un, Quelqu’un qui va le faire passer du dehors au dedans.

C’est cela qui est magnifique, en effet: Cette expérience nous révèle que jusqu’ici il avait été dehors, étranger à lui-même, esclave de lui-même, dedans, prisonnier de lui-même cadenassé dans son univers passionnel – et il ne le savait pas: Et maintenant, il le sait parce qu’il est délivré de sa prison, il le sait parce qu’il est entré dans la lumière, il le sait parce qu’il rencontre ce Visage Adorable qui fait jaillir en lui un dialogue d’amour.

Rien ne peut nous émouvoir davantage que cette expérience exprimée dans un tel langage, vécue à une telle profondeur. Voilà l’homme qui tout d’un coup devient homme. Jusqu’ici il n’était pas né à lui-même; jusqu’ici il était étranger à soi, jusqu’ici il n’avait jamais pu aborder sa propre intimité. Shakespeare nous en avait avertis dans sa tragédie de Macbeth, et Augustin le confirme: jamais il ne s’était vraiment rencontré lui-même. C’est Dieu qui le jette dans son intimité, c’est Dieu qui le donne à soi, c’est Dieu qui le révèle à lui-même et, tout d’un coup, il existe, il existe dans toute la dignité de son humanité, il existe dans l’accomplissement de son inviolabilité et il découvre précisément que c’est Dieu qui fonde sa dignité, que c’est Dieu qui est le roc de son inviolabilité. Il découvre qu’il ne peut vivre que dans la respiration de la Présence Infinie et il en est tellement comblé qu’il reconnaît que Dieu est la Vie de sa vie, que Dieu est à la fois le plus haut de lui-même, plus haut que le plus haut de lui-même, et plus intime que le plus intime de lui-même car, justement, il n’atteint à soi qu’à travers Dieu: Dieu est le seul chemin vers lui et son bonheur s’exhale dans ce mot brûlant que nous recueillons aujourd’hui comme s’il jaillissait de son coeur aujourd’hui: “Et maintenant vivante sera ma vie toute pleine de Toi: ”

Quel mot adorable: “Et maintenant vivante sera ma vie toute pleine de Toi! ” Avec quelle gratitude nous recueillons ce témoignage qui est exprimé dans un langage universel que tout le monde peut entendre, que chacun peut s’assimiler, que les savants, que les artistes, que tous ceux qui ont éprouvé quelque émerveillement qui, pour un instant, les a guéris d’eux-mêmes, que tous peuvent reprendre: “Tard je t’ai aimée, Beauté si antique et si nouvelle, tard je t’ai aimée et pourtant Tu étais dedans, c’est moi qui étais dehors où je te cherchais en me ruant sans beauté vers ces beautés que tu as faites: Tu étais avec moi. C’est moi qui n’étais pas avec Toi! ”

Fraternellement en Christ

Karim

Merci à vous Karim