Article de l’abbé Loiseau

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 Le Père Christian Delorme, bien connu pour son engagement dans le dialogue islamo-chrétien, a fait paraître dans le quotidien Le Monde du 4 juin 2008 un article intitulé “Non, l’Algérie n’est pas antichrétienne”. Cet article présente les affirmations suivantes: “L’Algérie n’est pas antichrétienne, il est nécessaire d’entendre ce que nous disent les autorités algériennes et une partie de la population à propos de ces musulmans algériens devenus chrétiens ; ce qui fait fondamentalement l’unité de l’Algérie, c’est son islamité ; ces conversions nous rappellent les méthodes des coloniaux ; les chrétiens évangéliques agissent selon une stratégie américaine ; enfin, il semble dangereux d’évangéliser en terre d’Islam car un peuple risque d’être déchiré”.

Ces thèses nous paraissent des mensonges sur le plan politique, historique et théologique. Pour ne pas caricaturer sa pensée, je précise que le père Delorme a bien conscience de certaines situations révoltantes en Algérie. Mais il est pour le moins étonnant de voir un prêtre attaché au dialogue religieux, à la laïcité et à la liberté religieuse faire de l’Islamité le principe de l’unité algérienne. Pour ceux qui connaissent un peu l’Algérie, cette proposition est sociologiquement et historiquement fausse. Cette nation, d’après lui, n’existerait que grâce à l’Islam.

La mission chrétienne rappellerait donc les méthodes coloniales? Mais le père Delorme sait-il que les gouvernements successifs depuis la colonisation jusqu’à l’indépendance se sont opposés aux missions catholiques auprès des musulmans et ont favorisé l’expansion de l’Islam auprès des Kabyles et des Touaregs. St Augustin et des siècles de christianisme ne feraient pas partie de l’histoire algérienne ? Voilà un jugement particulièrement sectaire.

Enfin, ce qui apparaît le plus grave, c’est que l’évangélisation en terre musulmane serait un déchirement pour le peuple algérien. Mais enfin, Père Delorme, un Etat moderne et adulte ne saurait-il accepter la liberté religieuse? Réduire la mission des évangéliques en Kabylie à une stratégie américaine est une méconnaissance totale de la réalité de ces conversions profondes et authentiques. Qu’il y ait parfois des maladresses dans ces missions, c’est indéniable, mais on ne peut nier un réel mouvement de conversion au christianisme dans les pays du Maghreb. Faut-il accuser le Christ d’avoir divisé son peuple? Les premiers chrétiens sont-ils coupables d’avoir divisé l’empire romain?

Le Père Delorme se fait ainsi l’avocat de tous les régimes totalitaires qui ont accusé les convertis de mettre en péril l’unité de la nation. L’évangile bien vécu a toujours permis une plus grande unité d’un peuple et le respect des chefs politiques. Le plus dramatique serait que les autorités algériennes puissent se servir du texte du père Delorme pour légitimer la persécution des chrétiens. L’aboutissement de cette fausse conception du dialogue interreligieux conduit non seulement à un refus de l’annonce de l’Evangile (ce qui est un manque considérable de respect des musulmans) mais en plus se fait complice des bourreaux.

Hélas, il a toujours existé des chrétiens qui ont dénoncé leurs frères.