-1 Introduction au sujet

Un intervenant sur le forum de Notre-Dame de Kabylie nous a incité à lire “La Bible a-t-elle annoncé la venue de Mohammed?” de Mounquidh Ibn Mahmoud Assaquâr, saoudien, docteur en religion, connu dans les milieux islamiques pour ses recherches en religion comparée



(www.islamhouse.com/ip/166390). La traduction en français semble récente. Il s’agit d’un livre qui rencontre un grand succès sur les sites islamiques, où son téléchargement est gratuit,



par exemple sur www.islamhouse.com/p/172314.

L’objectif de Mounquidh Ibn Mahmoud Assaquâr est de démontrer que Mahomet, le Prophète de l’islam, a bien été annoncé dans la Bible. Les traces de cette annonce seraient décelables, malgré les falsifications de ce livre, opérées par les juifs et les chrétiens, qui se seraient efforcés ainsi d’en effacer l’information [1]. Pour identifier ces traces le livre de cet auteur se veut scientifique, en prenant le soin de présenter les arguments des deux parties dans ce débat, pour mieux réfuter ceux qui s’opposent à sa thèse. L’idée directrice est celle que l’islam avance depuis longtemps, i.e.: dans la lignée des prophètes “majeurs”, chacun d’eux a annoncé le suivant. Jésus aurait ainsi annoncé Mahomet, le Sceau des Prophètes, désigné par l’évangéliste Jean sous le nom de

Paraclet. Bien avant Mounquidh, une présentation de cette croyance islamique de l’annonce de Mahomet par les prophètes antérieurs a été l’objet de nombreuses recherches musulmanes dans les livres saints des autres “religions révélées”. Elle est exposée en particulier dans l’article fr.wikipedia.org/wiki/Annonce_de_la_venue_de_Mahomet. Le livre “La Bible a-t-elle annoncé la venue de Mohammed?” reprend les mêmes arguments, en les développant et les commentant sous l’angle apologétique.

La démonstration de l’auteur se situe dans le cadre du système de référence de l’islam où l‘Évangile est alors compris, et interprété dans ce système. En particulier Mounquidh, dans la traduction en français de son livre, parle de “Jésus” pour désigner en fait l’homme que le Coran appelle Îsâ, avant dernier prophète de l’islam, dont le portrait dessiné est très différent du Jésus du christianisme. C’est ainsi que le grand théologien du XIème siècleal-Ghazâliproclame dans son traité de laRevivification des sciences religieuses“: “cent vierges forment sa rétribution au paradis en récompense de sa chasteté sur terre“. De même le Îsâ du Coran n’a aucun rapport avec “Yashou” (c’est à dire “Il Sauve“), nom donné à Jésus par les arabes chrétiens, proche de “Ieschoua” en hébreux, qui se traduit par “Dieu sauve“. Sous ces deux derniers noms, qui reflètent la nature profonde de l’être, Jésus se manifeste comme rédempteur, Vrai Dieu et Vrai Homme, ce que rejette farouchement le Coran, cf.

www.notredamedekabylie.net/Dialogueislamochrétien/DuvocabulairedelIslam/tabid/97/articleType/ArticleView/articleId/414/Isa-nest-pas-Jesus-article-de-MarieTherese-URVOY.aspx

Dans ce cadre, l’auteur de “La Bible a-t-elle annoncé la venue de Mohammed?”, présente alors implicitement sa réflexion comme une démarche scientifique, et annonce dès la préfaceLe Nouveau Testament, en dépit des niaiseries et des falsifications qu’il a subies, renferme de nombreuses annonces prédisant la venue du dernier des Messagers divins”.

Une telle affirmation est dans la logique du système clos de référence de l’islam, pour lequel le Coran est considéré comme la partie la plus juste de Um al Kitab, la Mère (ou matrice) du Livre (préservé dans les cieux sur la “table gardée”), choisie par Dieu pour la transmettre à l’humanité, avec le dernier prophète, élu de Dieu comme messager (rasoul). Les parties précédentes (Thora et Evangile) sont regardées comme falsifiées (tahrîf) par les juifs et les chrétiens qui, en particulier, auraient “censuré” l’annonce claire de Mahomet. Or le Coran, ainsi dit “incréé”, parole de Dieu dans sa matérialité, donc intangible et invariable, soutient la réalité de cette annonce (sourate VII Al-Araf, verset 157, et sourate 61 As-Saff, verset 6). Bien que la “parole de Dieu” ne puisse pas être un sujet de discussion, et malgré l’accusation de falsification de la Bible plusieurs fois mentionnée dans le Coran, Mounquidh veut convaincre ses lecteurs, et plus particulièrement les chrétiens, de la justesse de son propos en se livrant à une longue démonstration.

Dans le choix des citations du Nouveau Testament, l‘accusation de falsification faite aux juifs et aux chrétiens dans le Coran, permet à l’auteur de “La Bible a-t-elle annoncé la venue de Mohammed?” d’ignorer leur contexte, et celles qui ne vont pas dans le sens de son propos. Ce point est l’une des caractéristiques du système clos de référence de l’islam. Parmi les citations de Mounquidh l’une d’entre elles occupe une situation centrale dans son argumentation, celle de l’évangile de Jean 15; 26-27:

“Lorsque le Paraclet que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, sera venu, il rendra témoignage de moi. Et vous aussi, vous me rendrez témoignage, parce que vous êtes avec moi dès le commencement.”

Or parmi les diverses formes de ce témoignage (cf. le paragraphe 2.2.1), citées par Mounquidh Ibn Mahmoud Assaquâr, la plus importante, celle relative aux commandements transmis par Jésus, “Notre prophète, lui, a remémoré aux gens tous les ordres divins qu’ils avaient négligés et que Dieu avait révélés à tous ses messagers, dont Jésus”, permet d’invalider toute l’argumentation de cet auteur. Ceci se fait sur la base des réponses à deux questions essentielles: quel est le témoignage demandé par Jésus à ses disciples (nouvelle Loi d’Amour, incluant l’amour des ennemis), quel est celui rendu par Mahomet et ses disciples (violence sacrée contre les infidèles)?

Cet article traite dans une première partie du niveau religieux de la thèse de Mounquidh Ibn Mahmoud Assaquâr, sur la base des deux questions ci-dessus. Ensuite un paragraphe est consacré à l’argumentation de cet auteur au niveau de l’analyse historique et linguistique des textes en cause. Il est suivi d’une réfutation basée sur ce que les musulmans appellent la falsification du Nouveau Testament

– 2 Invalidation de l’argumentation de Mounquidh au niveau des “ordres divins” qu’il mentionne.

2.1 Le témoignage demandé par Jésus

2.1.1 La demande de témoignage

Jésus demande à ses disciples d’être Ses témoins plusieurs fois dans le Nouveau Testament:

– “Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre”. (Actes 1:8)

– “Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie.” (Jean 20:21)

– “Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fil et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous toujours jusqu’à la fin du monde. (Matthieu 28:19-20)

– “C’est comme il a été écrit: le Christ souffrira et ressuscitera des morts le troisième jour, et on prêchera en son nom la conversion et le pardon des péchés à toutes les nations, à commencer par Jérusalem. C’est vous qui en êtes les témoins. Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis”. (Luc 24; 46-49)

– “Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la parole de vie, – car la vie a été manifestée, et nous l’avons vue et nous lui rendons témoignage, et nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous a été manifestée, -ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, à vous aussi, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous”. (Lettre 1 Jean 1;1-4)

– “Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes oeuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux”. (Matthieu 5;16).

– “Et voici par quoi nous savons que nous le (Jésus) connaissons: si nous gardons ses commandements.Celui qui dit le connaitre et ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n’est point en lui.Mais celui qui garde sa parole, c’est en lui véritablement que l’amour de Dieu est parfait; par là nous connaissons que nous sommes en lui.Celui qui dit demeurer en lui doit lui aussi marcher comme il a marché lui-même“.(Lettre 1 Jean 2;1-4)

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