Maintenant que la résurgence du christianisme africain commence à s’imposer avec ferveur parmi les populations autochtones berbères, je souhaiterais parler de l’avenir de l’Islam en Afrique du Nord. En guise d’avertissement, bien que ma présente réaction va susciter une certaine désapprobation, personnellement je ne souhaiterais vraiment pas voir ce site, se transformer peu à peu en tribune de dénigrement de l’Islam, en laissant s’y multiplier des réactions tendant plus à vilipender cette doctrine qui voulut “se révéler” (je devais écrire s’imposer) à nous comme “religion” monothéiste succédanée (pour ne pas écrire alternative), voire un ersatz du christianisme, religion de nos ancêtres de l’Afrique du Nord. Au lieu de cela, je souhaiterais contribuer à travers ce site à aider les musulmans de l’Afrique du Nord à appréhender leur destin, mieux le négocier…

En effet, connaissant bien – trop bien malheureusement – la dialectique et le mode de penser de l’écrasante majorité de mes amis musulmans et le tempérament impulsif qui les anime dès que l’objet de discussion porte sur leur religion. Même si notre réaction ici n’a pour seul objectif que de susciter le débat et d’amorcer la réflexion sereine sur tel au tel autre aspect de l’islam, dans le parfait respect dévolue à celle-ci et loin de toute vilénie de style, ces derniers (les musulmans) nous accuseraient illico presto de porter atteinte à leur “religion” ou à leur prophète, uniquement pour avoir osé de débattre de ce sujet… Si bien qu’en agissant ainsi, il semble bien que c’est plutôt à des adeptes d’une doctrine (comme celle des sectes obscures) que l’on a affaire et non plus à des fidèles d’une religion monothéiste. En effet, je fais sciemment exprès de ne pas utiliser le terme religion pour désigner l’Islam aussi longtemps que cet incontournable droit de pouvoir en discuter les fondements, les sources, les dogmes en toute liberté ne nous est pas autorisé. Car j’estime que le vocable RELIGION devrait être réservé exceptionnellement aux doctrines de croyance ou courant de pensée théologique qui admettent clairement et sans complaisance le débat et la controverse. Alors, le monde n’étant pas statique, tant pis pour ceux-là, et tant mieux pour ceux, plus éclairés, qui manifesteraient plus d’inclination à entreprendre ce débat avec nous.

Que dire donc en réponse à l’éminent Mr. Soheib Bencheikh, l’ex Mufti de la Mosquée de Marseille qui a abondé un peu dans ce sens dans sa récente interview parue sur le journal El WATAN ? En le remerciant pour sa grande sagesse et la charité exemplaire qu’il réserve à l’endroit des nouveaux chrétiens d’Afrique du Nord, je lui souhaiterais seulement une bonne persévérance et plein succès dans ses activités de recherche en islamologie. Il me semble pour l’heure qu’il s’agisse de l’un des rares musulmans qui semble avoir compris l’aspect et la motivation essentiellement spirituelle des nouveaux convertis christianisme en Afrique du Nord. A ce propos, je lui demanderai cependant de développer davantage une thèse scientifique, à laquelle j’adhère et que je vais tenter d’expliciter ici brièvement. A ma connaissance, elle a été formulée entre autres, par le non moins célèbre Prof. Mohamed ARKOUNE ainsi que par le Père Antoine Moussali, selon laquelle : L’ISLAM NE PEUT PLUS HELAS ETRE RATIONNELLEMENT APREHENDE A TRAVERS SES “SOURCES ” FONDATRICES, i.e. la révélation coranique (le CORAN ou ce que l’on nous présente comme tel) et la tradition (sunna) qui rassemble les faits et dires de Mohammed, le prophète de l’islam (ou celui qu’on nous présente comme tel). Le constat d’échec de toutes les tentatives d’interprétation rationnelle de l’Islam est à la base de cette thèse. Mohammed Arkoun écrit dans sa présentation d’une traduction du Coran en français, ceci : ” Il n’existe plus d’alternative à l’Islam que de se présenter dans l’avenir que comme un modèle de société socioculturel et civilisationnel. Les sociétés musulmanes contemporaines gagneraient plus, conseille-t-il, de développer et de promouvoir positivement cet aspect civilisationnel de l’Islam plutôt que de s’engouffrer dans les abysses d’une relecture rigoureuse mais hasardeuse des deux références sources de foi musulmane. Car elle serait  autant problématique à plusieurs égards, et ne manquerait pas de porter en elle plus de contradictions que ne résout de problèmes ! C’est la seule issue constructive viable qui demeure devant la société musulmane d’aujourd’hui, s’elle tient absolument à agir en acteur sur le cours de l’histoire plutôt que de la subir à son corps défendant”.

Pour simplifier un peu, disons donc que selon les philosophes rationnels de l’Islam, ceux qui continuent à se perdre dans l’exacte interprétation des 114 chapitres du Coran et les quelques 1.5 millions de hadiths, en fait vous nuisez plus au Coran et à la sunna aussi longtemps que vous vous entêtez à l’appréhender rationnellement, i.e., intelligiblement comme s’il s’agissait encore de formules mystiques de construction positive encore moins de textes discursifs d’une révélation positive. Le Coran et la Tradition (Sunna) au contraire, pour les musulmans bien entendu, gagneraient en fait plus à être ritualisés au maximum, en faisant une abstraction totale de leur hypothétique contenu positif qu’ils ne possèdent pas ( je dois dire qu’ils ne possèdent plus, sachant toutes les manipulations historiques qu’ils ont subi au cours des siècles !). Pour le Coran notamment, il gagnerait plus à être psalmodier comme des cantiques mystiques, pour en sauvegarder sa symbolique religieuse aux générations musulmanes futures, sans plus. À ce propos d’ailleurs, feu Mouloud Mammeri, un grand ami de Mohamed Arkoun soit dit en passant, écrivait dans l’introduction de son monumental ISEFRA N SI MOHAND U MHAND, je cite de mémoire :” Lorsqu’un Amusnaw (un sage) cite un verset coranique pour soutenir ou relever l’éloquence de son discours, à la fin de celui-ci, l’assemblée lui dit en coeur : “AD AK-YAAFU REBBI ! ” (Que Dieu te pardonne !). L’orateur ayant culminé pourtant dans l’éloquence, pourquoi alors cette “formule de politesse”, a priori anachronique, est-elle pourtant consacrée dans la tradition orale kabyle ? Eh bien, les kabyles (musulmans) savent depuis l’âge d’or de l’Islam, que le Coran, n’étant pas fait pour être interprété, ne doit jamais être récité comme s’il s’agissait d’une prose intelligible! Il semble même que Dieu l’a voulu ainsi ! Il doit toujours et exclusivement n’être que psalmodié. Ce principe est ensuite intégré au dogme de l’Islam kabyle. C’est pour cela que pour quiconque Récite un verset coranique sans le “chanter ” (i.e. psalmodié), on implore pour lui le PARDON de Dieu. CONCLUSION :

L’autre fois, j’ai lu dans la presse qu’on avait décerné un prix national à un auteur berberisant kabyle (dont je ne me souviens plus du nom) pour avoir traduit complètement le CORAN en Kabyle.

A quoi bon pour l’islam kabyle me suis-je vraiment demandé ?

Ayant lu le Coran en arabe, en français et en italien, je suis vraiment persuadé que cela n’aura pour effet que d’augmenter le malaise des musulmans kabyles envers la religion à laquelle ils semblent jusque là si attachés. Je ne crois pas pourtant que c’est là l’objectif escompté par l’auteur qui, soit dit en passant, est membre de l’association des ulémas musulmans algériens.

L’unique alternative viable qui reste à l’islam semble être de cesser de confronter ingénument ses sources fondatrices aux sources de la tradition scripturale chrétienne. Dire que c’en est une pale copie est déjà un euphémisme !Les musulmans doivent savoir, qu’en ces temps modernes de la globalisation, s’ils veulent perpétuer leur “civilisation” ils doivent cesser cette morbide tentation qui va s’avérer fatidique pour leur devenir, en définissant les spécificités de leur appartenance religieuse par l’affirmation des sources fondatrices de leur foi : Le CORAN et la SUNNA, irrémédiablement dépassés et rendus inconséquents par le phénomène de l’accroissement exponentiel des connaissances de l’Homme. En revanche, ils gagneraient plus à se redéfinir en terme de valeurs civilisationnelles et symboliques, sans plus.

tant la foi, c’est autre chose, c’est tout autre chose que cela.

A bon entendeur salut.

Merci de m’avoir lu avec patience, je m’excuse auprès de vous de la longueur excessive de ma réaction.

 

D.M. Damiano,  l’Algérien.