Introduction

Intellectuel et théologien musulman Soheib Bencheikh, ancien mufti de la mosquée de Marseille, est un homme courageux qui a toujours défendu la liberté religieuse et la liberté de conscience. Ceci lui a valu des menacesdu GIA. L’affaire Habiba lui a donné l’occasion de manifester une fois de plus ce courage. A ce sujet lire

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Il est l’auteur de “Les Grandes Religions et Marianne et le Prophète: l’Islam dans la laïcité”. Fondateur du MPR (Mouvement Pour le Renouveau), membre du comité de parrainage de la “Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence”, il prône une réforme de l’Islam passant par “un travail de désacralisation, par une relecture des textes à la lumière de l’intelligence moderne”.

 Président du Conseil de Réflexion et d’Action sur l’Islam (CORAI), et directeur de l’Institut Supérieur des Sciences Islamiques de France (ISSI), Soheib Bencheikh est surtout connu pour son combat anti-fondamentaliste.

Depuis 2003, il est membre du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM, création en 2003), mais c’est un homme isolé. Il a d’ailleurs contesté la formation du CFCM en disant “Au plus haut niveau, les mouvements fondamentalistes viennent d’obtenir une reconnaissance démesurée avec la création du CFCM. Au sein de ce Conseil, je suis le seul théologien. J’y siège comme « personnalité qualifiée », en réalité disqualifiée: mes convictions y sont très minoritaires, je ne peux pas les défendre.” (“Le Parisien” du mercredi 21 janvier 2004). Avec l’affaire Habiba Kiouder, cet isolement est souligné par le silence spectaculaire des musulmans dits modérés, si présents dans les médias, dont le plus connu est le Dr Boubakeur Recteur de la Mosquée de Paris, silence par contre sans surprise du CFCM.

 Le courage de Soheib Bencheikh, dont les déclarations constituent un risque permanent pour sa vie, offre aussi un contraste saisissant avec les positions de certains prêtres thuriféraires du dialogue islamo-chrétien sans condition. La dernière est celle du Père Christian Delorme, prêtre du diocèse de Lyon. Ainsi dans l’article du journal “Le Monde” (03/06/08) “Non, l’Algérie n’est pas antichrétienne”, il nous donne une image édifiante des dérives de ce dialogue avec:

– “Mais ce que disent le pouvoir algérien et une partie notable de la population est également à entendre. Ce qui fait fondamentalement l’unité de l’Algérie, en effet, c’est son islamité. Là demeure l’identité profonde de son peuple. L’existence de chrétiens européens, même naturalisés algériens, ne représentait pas une menace contre cette unité et cette identité. Il n’en va plus de même quand des Algériens issus de familles musulmanes deviennent chrétiens.”

– “Dans cette situation, l’urgence se fait sentir d’une réflexion sereine sur la légitimité, ou non, du prosélytisme chrétien en terre d’islam. Car si l’on ne peut que défendre le droit de chaque individu à aller librement vers la foi de son choix, en revanche il peut paraître moins sûr que soient permises les tentatives de ramener à soi, par des techniques diverses, des hommes et des femmes appartenant à la foi musulmane. L’Evangile, certes, demande aux chrétiens d’annoncer le Christ, mais pas au prix du déchirement d’un peuple, pas au prix de l’engendrement de situations de violence.” (cf.

www.lemonde.fr/opinions/article/2008/06/03/non-l-algerie-n-est-pas-antichretienne-par-christian-delorme_1053102_3232.html

Quelques citations

Comme Abdelwahab Meddeb, auteur deLa maladie de l’islam” (Paris, Seuil, 2002, coll. “La couleur des idées”), dans plusieurs de ses interventions Soheib Bencheikh a demandé un débat sur les textes violents de l’Islam. Ainsi pour lui le hadith qui dit : “Celui qui change sa religion, tuez-le” s’explique par les circonstances d’une époque pour laquelle changer sa religion était considéré comme une haute trahison, et ne peut pas abroger les dizaines de versets coraniques tolérants; l’Islam ayant toujours protégé le christianisme et ses branches, le judaïsme (El Watanle 29.05.08).

En disant par ailleurs que “les textes doivent être relativisés par les circonstances de leur révélation, replacés dans leur contexte historique, notamment celui du début de l’ère musulmane à Médine quand les premiers fidèles, sous la conduite du prophète Mahomet, se trouvaient assiégés par la coalition tribale qui voulait les éliminer” (Le Monde,| 19.11.01), implicitement il propose une réforme revenant à une inversion du système des versets “abrogés” (nansukh) et “abrogeant” (nasikh), qui actuellement fait loi. Sur ce point voir la note n°3 de www.notredamedekabylie.net/Autresrubriques/AwalExpression/tabid/63/articleType/ArticleView/articleId/224/Default.aspx

Dans son interview au “Le Parisien” du mercredi 21 janvier 2004, Soheib Bencheikh dit à propos de Tariq Ramadan qu’il a ” une vision totalitaire, intégriste, c’est un crime de le mettre en contact avec la jeunesse. C’est pourtant ce qu’a fait en France la Ligue de l’Enseignement, ce sanctuaire de la laïcité! C’est elle qui a fait bénéficier Ramadan de sa logistique.” Avec cette appréciation, et ce qu’il dit plus haut au sujet du CFCM, il met en relief l’angélisme et la naïveté de certains responsables français.

Problème majeur rencontré par les réformateurs

C’est celui de la règle théologique des versets “abrogés” et “abrogeant”, adoptée depuis toujours: “Quand deux versets se contredisent, le verset révélé en dernier (période médinoise) abroge le verset révélé en premier”. Elle est contenue dans le Coran avec la sourate 16, verset 101, et surtout la sourate 2, verset 106: “Si Nous abrogeons un verset ou que Nous le fassions oublier, Nous en apportons un meilleur ou un semblable. Ne sais-tu pas qu’Allah est omnipotent?”.

Ainsi quand les réformateurs disent que l’Islam favorise et protège les religions, par exemple Bencheikh à propos du cas Habiba: “ces agissements sont en complète contradiction avec notre religion qui favorise les confessions et les protège” (cf.

www.notredamedekabylie.net/Autresrubriques/AwalExpression/tabid/63/articleType/ArticleView/articleId/310/Chapeau-bas–Mr-Soheb-BENCHEIKH.aspx  ), il convient de dire que cette “protection” est limitée aux gens du Livre (juifs et chrétiens), et correspond au statut humiliant de la dhimmitude (sourate 9 verset 29). Comme le dit le Père Zakaria Boutros, de fait les 124 versets du Coran, incitant à la paix et au pardon, sont abrogés par deux versets 5 et 29 de la sourate 9 “Le repentir” (cf. la note n°3 de www.notredamedekabylie.net/Autresrubriques/AwalExpression/tabid/63/articleType/ArticleView/articleId/224/Default.aspx)

Changer les textes du Coran de façon significative pour aller dans le sens des réformateurs paraît impossible. Le verset 106 de la sourate 2 (dicté par Allah) est l’obstacle majeur.

L’affaire Habiba et les droits de l’homme

L’Algérie est l’un des rares pays musulmans signataires de la Déclaration Universelle des Droits de  l’Homme, faite le 10 décémbre 1948. Dans les autres pays musulmans elle a été remplacée par la Déclaration des droits de l’Homme en Islam, adoptée au Caire le 5 Août 1990 par l’Organisation de la Conférence Islamique, qui est une relecture des droits de l’homme dans un cadre compatible avec la Charia. Cette relecture s’est notamment traduite par une forte imprégnation religieuse et une omission de certains droits présents dans la déclaration originale, comme la liberté de choisir et de changer de religion.

Dans une allocution prononcée à l’occasion du lancement de la “Caravane des chevaliers du Saint Coran”, le chef du gouvernement Abdelaziz Belkhadem a déclaré: “La société algérienne s’est attachée au Saint Coran depuis qu’elle a embrassé l’Islam (…) le Coran représente sa Constitution qu’elle n’acceptera point de changer.” (cf.

www.elmoudjahid.com/em/Nation/7635.html?VivvoSessionId=73ccd9574837343383d71 )


A ce niveau de responsabilité une telle déclaration constitue une adhésion à la Déclaration des Droits de l’Homme en Islam, et donc un renoncement à celle du 10 décembre 1948. Elle s’aligne en effet sur les thèses islamiques en suggérant l’adoption de la charia. Ainsi le discours du chef de gouvernement algérien situe le cadre de l’arrestation d’Habiba Kouider, et plus généralement celui de la répression anti-chrétienne en Algérie.