A. Le texte fondamental.
« Etant venu dans la région de Césarée de Philippe, Jésus interrogea ses disciples disant : “Que disent les hommes qu’est le Fils de l’homme?” Ils dirent : “Les uns disent que c’est Jean le Baptiste ; d’autres, Elie, d’autres encore, Jérémie ou quelqu’un des prophètes.” Il leur dit : “Mais vous, qui dites-vous que je suis ?” Répondant, Simon-Pierre dit : “Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. ” Répondant, Jésus lui dit : “Tu es bienheureux, Simon Barionas [fils de Jonas], car ce n’est ni la chair et du sang qui te l’ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux. Et moi je te dis que tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les Portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux, et ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre, sera délié dans les cieux”. » (Mt 16, 13-19, trad. Lagrange).
B. Authenticité et historicité du passage.
Les versets 18 et 19, présents dans tous les manuscrits et toutes les versions anciennes, sont cités depuis la plus haute antiquité chrétienne (Ev. aux Héb., 100 ; Odes de Salomon, Pasteur d’Hermas, S. Justin, 150 ; S. Irénée, 180 ; Tertullien, 200 ; Origène, 230). Le caractère profondément sémitique du passage (bienheureux, Barionas, Père qui est dans les cieux, la chair et le sang, lier et délier, portes de l’enfer, royaume des cieux) enlève toute probabilité à la thèse d’une interpolation par l’Eglise romaine au 2e siècle.
C. La primauté de Pierre dans l’ensemble du NT.
En faisant abstraction des trois textes majeurs (Mt 16, 16 ; Lc 22, 32 ; Jn 21, 15), l’examen du l’ensemble du NT montre qu’il est historiquement certain que Pierre possédait une primauté venant de Jésus lui-même, et fournit des indices en faveur d’une primauté de juridiction (#d’honneur : doyen ; #de direction : président d’assemblée).
D. Examen direct du texte.
1. Le « silence » des autres synoptiques. Mc et Lc, qui rapportent la scène de Césarée, n’ont pas la promesse du primat. Ce serait un anachronisme de dire que sa mention était indispensable : elle était un fait appartenant à la structure de l’Eglise, attesté par des miracles et reconnu par tous (le primat de Pierre a été reconnu même chez les Orientaux jusqu’au XIIe siècle). Lc dépend de Mc, l’évangéliste de Pierre, qui fait taire par humilité ce qui peut le grandir (Eusèbe de Césarée) et qui, écrivant pour les romains (et après l’évasion de la prison d’Agrippa en 43), évite de parler de « clés du Royaume » et de pouvoir de délier (Mt écrit avant les persécutions). En outre Lc a ailleurs (dernière Cène) un passage exactement parallèle à Mt :
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Mt 16, 18
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Lc 22, 32
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Danger
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Les portes de l’Enfer combattront l’Eglise
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Satan a demandé de vous passer au crible
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Remède
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Moi je te dis
que tu es Pierre
et sur cette pierre
je bâtirai mon Eglise
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Moi j’ai prié pour toi
pour que ta foi ne défaille pas
et toi, à ton tour,
confirme tes frères
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Effet
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Portes de l’Enfer ne prévalent pas
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Foi de Pierre maintenue, frères confirmés
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