Faut-il changer de nom ?…

Deux visiteurs nous sollicitent sur leur souhait de changer de nom :

1- I. : « Je souhaiterais me faire baptiser pour porter un prénom qui serait plus proche de mes origines ancestrales… Mais, c’est là où réside le paradoxe, je suis profondément athée (du moins jusqu’à maintenant !!). Que me conseilleriez vous? »

2- J. : « Dans l’esprit de changer, également, mon prénom (étant d’origine Kabyle) je manque, dans ma démarche, cruellement de conseils et de témoignages pour faire aboutir, efficacement, ma demande. »

Il s’agit évidemment de prénoms…

Mais nous parlons de noms car, jusqu’à une période très récente, la plupart des gens n’avaient qu’un nom, celui que le vocabulaire français a consacré comme « prénom », ou le petit nom.

Naguère, pour distinguer les gens portant le même prénom, on y ajoutait un deuxième, ou celui de leur(s) ancêtre(s)…

Exemple : Ali w-Ali n-Muh n-Amer…sera ainsi distingué de Ali w-Ali n-Muh u-Muh, son cousin.

C’est la mise en place des états-civils (vers 1870 en Algérie, par exemple), qui a introduit les noms de familles. Etant commun à plusieurs personnes, ce nom « d’état-civil », lorsqu’une personne émet le souhait de le changer, a besoin d’autorisations administratives. Mais même le prénom, en cas de changement, nécessite un enregistrement administratif, et donc une autorisation du tribunal idoine.

De sorte que le changement, quel qu’il soit, passe par une approbation de l’administration… Si, du moins, on veut légaliser un tel acte, et ne pas se contenter d’un « surnom », vulgairement appelé sobriquet.

L’Etat-civil, mis en place, au cours des âges en Occident, est d’origine chrétienne : à l’époque romaine il n’existait pas, bien sûr, sous cette forme en tout cas. Et c’est ainsi que, même les administrations musulmanes, l’ont peu à peu adopté, au cours des deux derniers siècles…

L’Eglise catholique, en effet, a eu très tôt pour habitude d’enregistrer les baptêmes, en particulier pour les enfants, à leur naissance ou peu après : les paroisses (ou églises locales) l’ont consacrée en tenant des registres pour leurs baptisés. Beaucoup de ces « prénoms » sont devenus des noms de famille par la suite, du reste.

La révolution française a entériné cette pratique, que les administrations suivantes ont définitivement institutionnalisée.

Tandis que l’Eglise continuait et continue encore à tenir ses registres de baptêmes, y compris pour les adultes qui ont déjà un prénom parfois non chrétien.

Pour ces personnes venant de traditions non chrétiennes, l’Eglise a toujours proposé de prendre un « nom de baptême ». Mais si certains le considèrent comme nécessaire, il faut savoir que, pour être disciple du Christ, il n’est ni obligatoire ni indispensable d’en prendre un autre, qui soit répertorié comme étant chrétien.

Et lorsque cela se fait, au prénom d’état-civil existant, inscrit en premier s’ajoute le prénom chrétien adopté en second : Fatma Monique, Kamal Augustin, Zohra Thérèse, Mohammed-Christophe, etc.

Les frères protestants, pour leur part, sont moins enclins à cette pratique.

Remarquons au passage que les représentants de l’Islam, à l’inverse, proposent systématiquement un prénom musulman : le cas le plus célèbre étant celui de Cassius Clay devenu Mohammed Ali…

Maintenant si on considère que le changement de prénom est lié à un changement de référence religieuse, voyons sur quoi se sont basés les chrétiens pour avoir adopté cette tradition.

Les prénoms chrétiens actuels ont tous été portés, à l’origine, sinon par des païens, du moins par des non chrétiens. Aussi bien si nous changeons tous de prénoms à notre baptême, nous n’aurons jamais des saintes Fatma ou Zohra, des saints Kamal ou Mohand…

Or le nom est unique, dans la mesure où il nous donne une identité pour être connu des autres. Et en changer perturbe nos relations singulière et distinctive avec cette altérité.

Si bien qu’il convient d’y réfléchir à deux fois avant d’opter pour un changement de nom.

Voyons maintenant quelques passages de la Bible pour situer le problème :

1- Dans la Genèse :

En 2, 19-20 : « Dieu modela encore du sol toutes les bêtes sauvages et tous les oiseaux du ciel, et il les amena à l’homme pour voir comment celui-ci les appellerait… L’homme donna des noms à tous les bestiaux… »

En 3, 20 : « L’homme appela sa femme « Eve », parce qu’elle fut la mère de tous les vivants. »

2- Dans les évangiles :

En Mathieu 1, 21 : « elle enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus car c’et lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »

En Luc 1, 13: « ta femme Elisabeth t’enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jean. »

En Matthieu 16, 18 : « Et moi, je te le déclare : tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise… »

3- En Apocalypse 2, 17 : « […] Au vainqueur je […] donnerai une pierre blanche, et, gravé sur la pierre, un nom nouveau que personne ne connaît sinon qui le reçoit. »

L’importance du nom apparaît nettement dans ces textes et il y en a d’autres : référons-nous à celui du « buisson ardent », qui a trait à la manifestation divine à Moïse, auquel est révélé le « NOM » par excellence, celui de Dieu, que les Israélites, par respect, n’énonceront plus de crainte de mal le prononcer.

Du reste, de Dieu, ou du Christ, on dit qu’on invoque « son nom », et cela suffit.

Nous pouvons constater deux choses à partir de ces citations :

1- C’est Dieu qui nomme, et, en conséquence, fait exister : « Dieu dit et la lumière fut… » Saint Jean l’évangéliste affirme sur le Logos (le Verbe ou la Parole) : « Tout fut par lui, et sans lui rien ne fut. » Or le Logos (Awal en kabyle) c’est le Christ.  Et c’est Lui qui nous dit dans l’Apocalypse qu’Il nous donnera un nom nouveau, connu de nous seul. Et pour cause : ce nom nous fera exister de manière unique à ses yeux. Ce qui veut dire que notre nom actuel est provisoire, comme notre enveloppe charnelle.

2- L’homme, ou la femme en son absence, a le pouvoir de nommer : les bêtes, mais aussi ses enfants…et sa femme exceptionnellement pour Adam. Mais c’est un pouvoir reçu de Dieu, par délégation en quelque sorte. Comme la paternité du reste (ou la maternité) : Dieu seul est Père, de toute éternité et, par ce privilège, peut nommer ses enfants. Mais dans l’histoire, Il délègue, à l’homme, ce pouvoir. De sorte qu’aucun être humain ne peut se donner un nom à lui-même : il reçoit son nom de ses parents.

Il y a une jolie formule en kabyle : ALA ṚEBBI I-IGAN ISEM I YMAN-IS ! (Dieu seul s’est donné un nom à Lui-même).

Mais alors pourquoi l’Eglise propose de choisir un autre nom ?

– L’Eglise, fondée par le Christ, agit en son « Nom » : comme Il a changé de nom à Simon, pour lui signifier son ministère, l’Eglise hérite de ce privilège. On le voit pour Saul surnommé Paul par les disciples, et qui ne sera plus connu que sous ce nom. Comme pour Pierre : peu de gens savent qu’il s’appelait auparavant Simon.

Les papes en prenant leurs charges et ministères changent de nom ; les religieux et les moniales, en entrant dans les ordres, prennent d’autres noms…

– Il y a aussi une autre raison, non des moindres : les premiers chrétiens changeaient réellement de manière de vivre : ils devenaient d’autres hommes. Selon la formule du Christ : « Naître de nouveau » ; elle sera reprise par saint Paul qui explique à sa façon qu’il convient de revêtir les nouveaux habits du chrétien : « le vieil homme est mort, place au nouvel homme, régénéré par le sang du Christ. » Le meilleur exemple est celui de saint Augustin : à partir du jour où il reçoit le baptême, ce n’est plus le même !

– L’Eglise préconise enfin de prendre, comme modèle de vie, un saint ou une sainte. Ou parce qu’ils sont de même extraction pécheresse (Marie-Madeleine), de même origine (Augustin, Monique), ou par admiration.

– En dernier lieu, nous donnerons les raisons qui ont poussé tel Mohammed à choisir Christophe pour nom de baptême, ce qu’il ne regrette pas. Chaque fois qu’il rencontrait un Algérien (ou tout autre ressortissant des pays arabes), et il en connaissait forcément beaucoup, ce dernier le prenait immanquablement pour un musulman ; certains le poussaient à les suivre à la mosquée… Pendant des années ces mêmes musulmans qu’il connaissait lui ont reproché d’avoir changé de prénom, jusqu’au jour où l’un d’eux lui dit ceci : « tu es indigne de porter le nom de Mohammed finalement, puisque tu as renié le Prophète de l’Islam !»…

Ce qui prouve bien qu’il est nécessaire, parfois, de clarifier les choses.

Mais chacun décide en toute liberté, dans ce domaine.

L’important étant de tenir fermement à sa foi en Christ : Lui nous transformera sûrement, pour faire de nous les dignes enfants du Père céleste, ses frères en humanité.

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S’agissant des personnes qui veulent changer de nom, sans renoncer à leurs habitudes, sans adopter le Christ, ou juste pour fuir l’Islam (et ils ont le droit), nous n’avons rien à leur conseiller. Pas plus que pour les personnes « nationalistes » qui croient recouvrer une identité perdue en changeant de prénom et en rejetant celui qu’ils ont reçu de leurs parents…

Nous ne disons pas cela par mépris, mais au contraire par respect pour leur démarche : nous n’avons pas à en juger.

La multitude des personnes qui donnent un prénom chrétien à leur progéniture, alors qu’elles même n’en sont pas, est là pour attester que les gens sont libres : quelques unes le font par tradition, d’autres par convenance personnelle, quelques unes seulement pour des motifs chrétiens.

De même chez les Kabyles, aujourd’hui, beaucoup parmi eux donnent des prénoms dits musulmans par mimétisme, par ignorance ou par convention sociale, culturelle, sans vraiment avoir la foi musulmane, lorsque ces prénoms sont spécifiquement musulmans, tels Ali, Abdallah, Mohammed, Fatma, Aicha, Khadîdja, etc.

Si les parents ne s’engagent pas à éduquer leurs enfants dans leur foi religieuse, ils agissent, ce faisant, avec beaucoup de légèreté. Si bien que ceux-ci peuvent remettre en question le choix que leurs parents ont fait à leur place à leur naissance.

C’est sûrement le cas de notre ami J. qui s’affirme athée… à aujourd’hui, précise-t-il, et il fait bien car comme on dit : il ne faut jamais dire « fontaine je ne boirai pas de ton eau ! ».

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A propos du nom lui-même, la Bible nous apprend qu’il n’en est pas un qui soit sans signification.

C’est donc à tort que nous croyons que des prénoms n’ont aucun sens ; ou, parce que l’étymologie proposée nous paraît farfelue, ils seraient sans explication.

Prenons un exemple, le prénom Sabrina que beaucoup se sont mis à donner à leurs filles dans les années 70/80 ; voici quelques unes des propositions pour expliquer son origine :

– De SAVIN(E), lui-même dérivé de SABIN(E) ; les Sabins étant un peuple de l’Italie centrale (cf. le célèbre tableau >> enlèvement des Sabines).

– De Chypre, anciennement CYPRUS, qui a donné Cyprien, donc l’habitant ou l’originaire de Chypre.

– De SABER, du verbe patienter, et donc SABRIN, les patients.

Evidemment nos compatriotes d’Algérie ont tous retenu cette dernière signification, sans qu’elle soit attestée dans le passé du pays, alors que Cyprien est un prénom, lui, tout à fait attesté. D’autant que la légendaire princesse venue de Tyr (Liban actuel) pour s’établir à Carthage, surnommée Didon par les Latins, et Elissa (Elisha) par les Carthaginois, semble bien être passée par la fameuse île de Chypre (qui fait face à Tyr), sur les rivages desquels furent enlevées 80 vierges emmenées avec ces tout premiers émigrés Phéniciens.

Mais comment expliquer que de CYPRUS/CYPRIEN on soit passé à SABRINA ? On reste sceptique… et pourquoi pas, se dit-on, SABER>>SABRINA ?

Autre exemple célèbre, Jean, qui est décliné dans toutes les langues européennes : John, Juan, Giovanni, Vanina et tous ses dérivés, dont le diminutif grec Yanis qui remporte un grand succès, ces derniers temps : l’étymologie en est bien connue, c’est YOHANAN, « Dieu a fait grâce ». Donc un nom typiquement chrétien, mais d’origine hébraïque. Cela n’empêche pas qu’en Algérie il soit donné à nombre de bambins, parce qu’il « sonne » local, tandis qu’on va refuser, dans certains états civils du pays, des noms berbères anciens.

Car, s’il faut adopter YANIS, pourquoi pas aussi YUHNAN, qui est si parlant pour nous avec « la compassion », LEHNANA ?

Finalement il y a boire et à manger dans l’attribution des noms par les parents.

Voilà pourquoi nous voulons nous en tenir aux motifs chrétiens d’une telle démarche. Donner un prénom à son enfant, ou à l’adulte que nous accompagnons au baptême signifie que :

– nous marquons notre appartenance à Jésus Christ ;

– nous souhaitons au baptisé, comme pour nous, ses parents ou ses parrain et marraine, d’être et de rester à vie la sœur ou le frère du Rédempteur.

Car c’est Jésus Christ, et Lui seul, qui nous propose cette merveilleuse aventure d’aller au Père, Notre Père, par lui et avec lui. Le vrai Père, le Père éternel, d’où tout procède et qui nous donnera le nom connu de nous seuls !