Offre du salut, rencontre du Christ et Descente aux enfers

“Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité”

Cette phrase complète de Paul (en 1Tm 2,4) ne veut pas dire que Dieu donne le salut à tous mais qu’Il le présente à tous en leur ouvrant l’accès à la vérité. Comment ?

En fait la question revient à se demander comment Dieu fait pour sauver les non chrétiens. Il s’agit d’un vieux problème typiquement occidental, que l’on trouve d’abord chez St Augustin, puis que l’on retrouve au Moyen-Age (en particulier chez St Thomas), puis chez Rahner – qui se dit thomiste pour cette raison -, etc.

On en a beaucoup traité, mais la solution n’a été exposée que récemment par le Magistère. En fait, on partait d’un postulat selon lequel le vécu de la mort ne serait que vide et absence de rencontre avec le Christ. Conclusion logique : la grâce du salut doit être donnée bien avant la mort à tous les futurs élus, donc aux musulmans qui sont dans ce cas-là. Or, par quel moyen Dieu peut-il leur donner sa Grâce justifiante, puisqu’ils ne sont pas baptisés ? Le raisonnement logique conclut que Dieu utilise d’autres moyens (donc d’autres religions surtout). Comme des plumes officielles l’ont parfois écrit, “il ne faut plus dire : Jésus sauve mais Dieu sauve en Jésus”, car Dieu doit sauver aussi en Mahomet*, Bouddha, etc.

C’est à la base du raisonnement qu’il faut reconsidérer cette impasse : que se passe-t-il à la mort ? Jésus est mort également – on l’avait curieusement oublié. Il est lui-même descendu dans le “mystère de la mort” : se fondant sur 1 P 4,6 – “L’évangile a été également annoncé aux morts” -, le n° 634 du Catéchisme de l’Eglise catholique ouvre une perspective qui dépasse la conception chronologique ancienne réservant aux seuls “saints” de l’ancienne Alliance le fruit de la Descente : 

“La Descente aux enfers est l’accomplissement, jusqu’à la plénitude, de l’annonce évangélique du salut. Elle est la phase ultime de la mission messianique de Jésus, phase condensée dans le temps mais immensément vaste dans sa signification réelle d’extension de l’œuvre rédemptrice à tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux, car tous ceux qui sont sauvés ont été rendus participants de la Rédemption”.

De nombreux termes sont à relever. D’abord, c’est le lieu où l’annonce du salut se fait en plénitude. Même si cette annonce source de salut est répandue, elle est loin d’être plénière sur la terre : elle ne touche qu’une minorité de gens vivant. Or, le texte affirme que la descente aux enfers “accomplit” cette plénitude au bénéfice des hommes de “tous les lieux et tous les temps”, donc de tous, et cela dans leur mort ; cet accomplissement est même présenté en rapport avec la “mission messianique de Jésus”. La totalité des hommes de “tous les lieux et tous les temps” est donc touchée par la “mission messianique de Jésus” dans le mystère de sa Descente, c’est-à-dire dans le vécu divin de sa mort qui rejoint – ou plus exactement qui précède – leur propre vécu ; ce mystère se situe dans un au-delà du temps que le n° 635 appelle justement la “profondeur du mystère de la mort” : “Le Christ est donc descendu dans la profondeur de la mort afin que les morts entendent la voix du Fils de Dieu et que ceux qui l’auront entendue vivent” (Jn 5,25) [suivent les citations de Ac 3,15, de He 2,14-15, de Ap 1,18 et de Ph 2,10].

Les philosophies qui tiennent la mort pour l’évanouissement dans l’inconnu ou le néant doivent être revues ; au reste, elles sont contraires aux approches anthropologiques nouvelles aussi bien qu’à l’enseignement du Magistère récent.

En conclusion, trois phrases peuvent résumer ce qui précède tout en rejoignant ce que pensent spontanément la grande majorité des chrétiens qui prient (le sensus fidelium) :

– celui qui meurt rencontre le Christ dans le mystère du vécu de son âme (c’est le jugement) ;

– il n’y a jamais de salut sans une rencontre du Sauveur (et un acquiescement au salut offert) ;

– la vie terrestre n’est pas le lieu du salut de ceux qui n’ont pas encore rencontré le Christ, mais bien celui de sa préparation (cf. Jn 3,20-21).

* Concernant le rapport historique entre l’islam et le judéo-christianisme, voir www.lemessieetsonprophete.com

Par le père Edouard-Marie G.