Après un écrivain marocain, Rachid Aylal, qui avait publié en 2017 un livre en arabe défrayant la chronique, dans son pays mais aussi au salon du livre de Tunis, voici un écrivain algérien, Amin Zaoui qui remet en cause à son tour, dans un article sur le journal londonien “Al-Arab”, les compilations de Hadiths, textes quasi sacrés, de Al-Boukhari et de Muslem. Ces deux compilations sont à la base de la charia, et la colonne vertébrale de la Sunna, et donc du sunnisme.
C’est le chroniqueur du journal “le soir d’Algérie”, M. Ahmed Halli, qui rapporte et nous traduit une partie de l’article en arabe de Amin Zaoui : “Avec sa contribution publiée samedi dernier par le quotidien londonien Al-Arab, l’écrivain Amin Zaoui nous remet dans le contexte du terrorisme islamiste maghrébin. Il s’agit plus précisément de l’abject assassinat, par des fondamentalistes, de deux jeunes femmes scandinaves qui faisaient du tourisme dans une région montagneuse du Maroc. Dans le sillage de ce que fait Islam Behaïri en Egypte, Amin Zaoui dénonce l’influence néfaste de certains livres du patrimoine, qu’il qualifie de «munitions inépuisables» du terrorisme. Il n’y a guère de doute qu’il y a énormément d’argent qui est dépensé pour couver le terrorisme islamiste, ainsi que le financement de ses actions par le biais du blanchiment. Mais avant l’argent, il y a le «marché» des idées, avec certains livres du patrimoine qui sont offerts aux lecteurs de la nouvelle génération et qui encouragent le terrorisme.”
Quelles sont ces munitions inépuisables (à savoir les livres) qui sont le terreau du terroriste islamiste ? Le journaliste algérien écrit : “Amin Zaoui montre du doigt les livres qui servent à la formation religieuse dans le monde contemporain et qui sont une référence en matière de foi, pour le cœur et l’esprit. Il s’agit des deux «Sahih», celui de Boukhari et celui de Mouslim, ainsi que certains livres sur l’histoire et la Sunna, tels que les chroniques de Tabari et d’autres. Et l’écrivain de lancer un appel à empêcher cette «munition mortelle» de parvenir aux enfants des écoles, aux bibliothèques et aux mosquées. «Si nous n’agissons pas ainsi, sous prétexte de respect des opinions, de la liberté d’expression, ou par peur d’être taxés d’islamophobie, nous serons complices du prochain viol, du prochain meurtre… le silence est complice de l’assassinat. Ceux qui ont tué les deux touristes scandinaves ont été confortés par le contenu de ces livres et par notre silence vis-à-vis d’une idéologie terroriste qui est célébrée sur nos minbars, dans nos écoles, nos universités et nos médias», conclut l’écrivain.”
Les choses sont ainsi clairement signalées et la dangerosité indiquée : “Il y en a qui doivent faire l’objet d’un appel clair et sans équivoque à leur interdiction, et notamment celles qui incitent à la guerre, aux conquêtes, au djihad et au refus de vivre ensemble. Nombre de ces livres sont considérés comme sacrés, alors qu’ils sont l’œuvre d’êtres humains, qui peuvent être dans le vrai comme dans l’erreur. Ce sont des théologiens, qui ont vécu sous la coupe de pouvoirs sanguinaires en majorité et qui ont écrit sous la dictée.”
Cependant ce dont ne parle pas Amin Zaoui, et qu’il n’ignore pas, c’est le problème de la légitimité. Il s’adresse aux intellectuels, à l’élite, mais ont-ils la légitimité en islam pour remettre en question ces livres, quand les responsables de l’université d’Al-Azhar se refusent à le faire ? Et la réaction des plus fondamentalistes des Marocains à l’entreprise de démystification de leur compatriote Rachid Aylal, qui cherchent à l’éliminer, prouve que le combat de la lumière contre les ténèbres ne fait que commencer.