est l’occasion, pour Jésus, selon nous, de nous apprendre quatre choses : la preuve que doit manifester celui qui se dit venir de Dieu ; la nature du péché ; la vraie gloire que recherche à révéler Dieu aux hommes ; et l’aveuglement qui nous guette tous.
- L’aveuglement : Commençons par cet enseignement, que le Christ nous donne, quand il dit aux pharisiens : « Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement : que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. »
Et il s’ensuit donc un dialogue entre eux et Jésus : Parmi les pharisiens, ceux qui étaient avec lui entendirent ces paroles et lui dirent : « Serions-nous aveugles, nous aussi ? » Jésus leur répondit : « Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : ‘Nous voyons !’, votre péché demeure. » L’aveuglement vient de la prétention à se déclarer un “sachant”, ou un “savant” par rapport aux autres. Mais c’est vrai également du fort par rapport au faible, du puissant par rapport à l’impuissant ou au pauvre sans autorité. Cela nous amène souvent à l’orgueil de nous considérer supérieur ; et l’orgueil nous mène droit vers le mépris. Le mépris d’un aveugle qui ne peut voir ce que nous voyons, d’un non-sachant, d’un plus petit, d’un sans moyens, etc. Et ce comportement orgueilleux des pharisiens est révélé par l’aveugle né, que Jésus leur donne en exemple. Mais à nous aussi, ses disciples, ce paradoxe des révélations divines nous est donné comme repère de notre conduite chrétienne. N’allons pas nous croire supérieurs aux pharisiens, nous tomberions dans la même attitude orgueilleuse !
- La vraie gloire, selon ce que nous dit le Seigneur, ce n’est pas, pour l’aveugle, d’avoir été doté d’une bonne santé, d’être beau ou fort de naissance, diplômé en sciences religieuses, en connaissances de Dieu. Cela n’a pas été d’avoir eu des amis ou une famille aisée. Il est dépourvu de tout ça. Il est aveugle-né et mendiant de tout. Où est donc sa gloire, à lui, qui est tellement impuissant dans tous les domaines ? À quoi peut-il œuvrer avec les bras, les jambes et le cerveau dont cependant il est doté comme tout homme ?
Nous croyons comprendre que c’est justement dans cette impuissance, acceptée sans rébellion intérieure contre Dieu, sans aigreur contre ses parents qui l’ont abandonné et sans reproche à son prochain qui ne vient pas à son secours. Cependant Dieu, qui voit tout cela, qui le connait intimement et tendrement, peut alors déployer toute sa puissance salvatrice en ce pauvre hère dénué de tout, mais qui continue à espérer en Lui, son Créateur. Et depuis tant d’années ! Quelle leçon pour nous tous : les oeuvres grandioses, charitables et bienveillantes, les actes prodigieux de réalisation suscités par la foi des “voyants”, qui glorifient tant Dieu, ne lui sont pas demandés, non. Ce qui glorifie Dieu, en cet aveugle de naissance, c’est son état de démuni, reçu sans murmures comme le pauvre Lazare mendiant devant l’homme riche. Accepter la volonté de Dieu — que Ta volonté soit faite — voilà la gloire de Dieu et, bien plus, la gloire de l’homme !
- Le péché ? À notre époque la question est réglée : qui pourrait dire que cet aveugle a péché dans le ventre de sa mère ? Ou que c’est la faute de ses parents ? Mais à l’époque, pour les Juifs orthodoxes, et peut-être encore aujourd’hui pour certains, il est «…tout entier dans le péché depuis sa naissance ». La question des malformations, des handicaps à la naissance, beaucoup de croyants, maintenant encore, les imputent à Dieu. Et Jésus ne dit pas le contraire pour en “absoudre” Dieu. Dans le livre de Job, l’affaire est entendue : Satan demande à l’Eternel l’autorisation de l’outrager et Il l’accorde (Job 2: 03) : « …il persiste encore dans son intégrité, et c’est pour rien que tu m’as incité à le détruire. » Jésus confirme que tout vient de Dieu devant Pilate (st Jean 19: 11) : « Tu n’aurais aucun pouvoir sur moi si tu ne l’avais reçu d’en haut ; c’est pourquoi celui qui m’a livré à toi porte un péché plus grand. »
Alors que nous enseigne Jésus sur le péché ? Bien évidemment, comme Il nous l’explique dans la parabole sur les “talents” (st Mat. 25: 14-30), ce n’est pas ce que nous recevons de Dieu, ou de la nature humaine, qui cause le péché, mais ce que nous en faisons ou…n’en faisons pas. Nous avons un exemple dans le cas des deux larrons qui entourent Jésus au Golgotha, sur la croix : l’un use de son malheur pour blesser Jésus (st Luc 23: 39-40) : L’un des malfaiteurs suspendus en croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi ! » L’autre en revanche, de son état de malheureux, fait du bien et obtient son salut : Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu ne crains donc pas Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! »
- La preuve prophétique. Le passage, à retenir ici, est celui où se déroule le dialogue surréaliste entre l’aveugle de naissance et les pharisiens, pour la deuxième fois, soit du verset 24 au verset 34 (1). Nous avons souligné en bleu les phrases qui intéressent l’existence ou non de cette preuve prophétique, selon ces pharisiens maîtres es-science dans la Loi de Moïse et ce Juif quelconque. Que disent-ils ?
Un pécheur ne peut pas faire de miracle tel que celui de guérir un aveugle. Pourquoi ? Parce qu’un pécheur ne peut être un envoyé de Dieu. Les conséquences sont que, si miracle il y a eu, celui qui l’a réalisé vient bien de Dieu d’une part et, d’autre part, il conviendrait alors d’être son disciple. Les pharisiens allèguent, à l’appui de leur état de disciples de Moïse, le fait que celui-ci a parlé avec Dieu et a fait des miracles ; mais que ce Jésus dont ils ne veulent pas être de ses disciples est un homme […] pécheur qui n’a pas pu guérir un aveugle, car il ne vient pas de Dieu : nous ne savons pas d’où il est, disent-ils de lui.
L’aveugle de naissance ne se prononce pas si cet homme est un pécheur, ou non, mais il sait une chose : j’étais aveugle, et à présent je vois. Quant à dire l’origine de cet homme, il répond aux pharisiens :Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Il ajoute pour enlever tout doute sur ce qu’il pense de Jésus : Si lui n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. Ce qui amène les pharisiens, emmurés dans leur incrédulité et leur aveuglement, à jeter dehors l’ex-aveugle qui leur fait la leçon. Jésus l’apprenant en fait son disciple.
Retenons ici encore que Jésus se nomme lui-même “Fils de l’homme“, lorsque l’ex-aveugle lui demande qui est-il ? Et il est évident pour tout le monde qu’il se fait appeler “Fils de l’homme” par contraste avec sa situation première et ontologique de Fils de Dieu. À bon entendeur salut.
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(1) 24 Pour la seconde fois, les pharisiens convoquèrent l’homme qui avait été aveugle, et ils lui dirent : « Rends gloire à Dieu ! Nous savons, nous, que cet homme est un pécheur. » 25 Il répondit : « Est-ce un pécheur ? Je n’en sais rien. Mais il y a une chose que je sais : j’étais aveugle, et à présent je vois. » 26 Ils lui dirent alors : « Comment a-t-il fait pour t’ouvrir les yeux ? » 27 Il leur répondit : « Je vous l’ai déjà dit, et vous n’avez pas écouté. Pourquoi voulez-vous m’entendre encore une fois ? Serait-ce que vous voulez, vous aussi, devenir ses disciples ? » 28 Ils se mirent à l’injurier : « C’est toi qui es son disciple ; nous, c’est de Moïse que nous sommes les disciples. 29 Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; mais celui-là, nous ne savons pas d’où il est. » 30 L’homme leur répondit : « Voilà bien ce qui est étonnant ! Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. 31 Dieu, nous le savons, n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. 32 Jamais encore on n’avait entendu dire que quelqu’un ait ouvert les yeux à un aveugle de naissance. 33 Si lui n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » 34 Ils répliquèrent : « Tu es tout entier dans le péché depuis ta naissance, et tu nous fais la leçon ? » Et ils le jetèrent dehors.