Ce qui me parait intéressant, pour ne pas dire éclairant, c’est de faire un parallèle avec la foi musulmane, dans le cadre de la proposition du pape Benoît VI, pour l’année de la foi. En reprenant rapidement la définition du mot « foi », selon Wikipedia : le concept de foi est le plus souvent rattaché aux religions où il désigne la conviction en la véracité d’un ensemble de croyances.

Donc allons voir aux deux religions :

  • Celle du chrétien est contenue dans les deux versions du credo (« je crois » en latin).
  • Pour le musulman, la foi, Al-Imane (arabe : إيمان) signifie « croyance ».

Je n’ai pas repris tout le texte de Wikipedia, qui précise bien que l’article n’est qu’une ébauche. Car il met que la foi c’est littéralement « connaissance, croyance et conviction sans aucun doute possible ». Or Al-Imane ne signifie que « croyance », et nullement « connaissance ou conviction », qui sont des extrapolations. Du reste pour dire « croyant », on utilise la même racine [MN] pour AL-MUMEN, qui donne le prénom Abd-elmumen.

Donc il n’est pas exact de faire ce parallèle Crédo = Al-Imane. Il vaut mieux aller voir à profession de foi, ou confession de foi, en laissant de côté les mots Crédo et foi, qui prêtent à confusion, pour tomber sur le vrai « crédo » musulman : « Chez les musulmans, la profession de foi est appelé chahada (de l’arabe [CHD] « témoignage », « martyr »), qui consiste en deux énoncés :

  1. Ash-hadou an lâ ilâha ill-Allâh, « j’atteste qu’il n’y a pas d’autre dieu que Dieu »
  2. Ash-hadou anna Mouhammadan Rasoûloullah, « j’atteste que Mahomet est son messager ».[1]

Nous y voici : le verbe utilisé dans la profession de foi musulmane n’est pas « croire », mais « témoigner », ou « attester ». Si on essaie d’employer dans notre profession de foi chrétienne le verbe « témoigner », cela donnerait ces articles de foi :

J’atteste de Dieu, le Père tout-puissant, J’atteste que Jésus Christ est Fils de Dieu…

J’atteste qu’il est né de la Vierge Marie… J’atteste qu’il est descendu aux enfers,   J’atteste qu’il est ressuscité des morts,  J’atteste de la résurrection de la chair, etc.

Comment peut-on attester de l’invisible, ou de choses que nous n’avons pas vues ? Si on ne voit pas Dieu, comment peut-on témoigner de son existence ? On ne peut que croire. De sorte que le doute est donc permis. Jésus lui-même tout en demandant de croire, admet le doute, dans l’épisode de Thomas (Jn 20,27-28) :  « Avance ici ton doigt, et regarde mes mains ; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté ; et ne sois pas incrédule, mais crois.            Et  Thomas lui répondit :    Mon Seigneur et mon Dieu ! »

Jésus ajoute, au verset suivant, que c’est même-là notre seul mérite : « Parce que tu m’as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n’ont pas vu, et qui ont cru ! »

Donc la vraie foi ne consiste pas à attester, mais à croire en quelque chose qui nous dépasse, que nous ne comprenons pas. Et qui est, au demeurant, pour notre plus grand bien : nous croyons en Jésus Christ parce qu’il nous a apporté la Bonne Nouvelle de sa victoire sur le mal qui nous établit ENFANTS DE DIEU.

Cette attitude est déterminante dans la transmission de la foi chrétienne : c‘est une proposition. Dieu, qui nous a d’abord créés sans demander notre avis (et pour cause), attend de nous une réponse libre, un acquiescement à la nouvelle vie qui nous est offerte : la vie éternelle avec Lui. Entendons bien ses paroles dans st Jean :

Celui qui croit au Fils a la vie éternelle ; celui qui ne croit pas au Fils ne verra point la vie, mais la colère de Dieu demeure sur lui.

Et la chaine apostolique, sur laquelle se fonde le sacerdoce, existe aussi dans la transmission de la foi ; dans son développement historique, le christianisme a toujours procédé ainsi : par l’annonce de la « Bonne nouvelle ». D’abord par Jésus, voir en saint Luc 4,43 : Mais il leur dit : Il faut aussi que j’annonce aux autres villes la bonne nouvelle du royaume de Dieu ; car c’est pour cela que j’ai été envoyé.

 Ensuite par les apôtres et tous les disciples, en saint Marc 13,10 : Il faut premièrement que la bonne nouvelle soit prêchée à toutes les nations.

Il y a bien une attestation dans le catholicisme, mais elle n’est pas l’affaire du baptisé et elle n’a pas lieu le jour du baptême. Comme dans les premiers temps de l’Église, c’est réservé aux parrains et marraines qui attestent de la bonne foi de leur filleul quand ils le présentent à l’assemblée ecclésiale.

 Telle n’est pas la démarche musulmane pour accéder à la foi. Voici un document émanant de la grande Mosquée de Paris, que j’ai publié sur le site de Notre-Dame de Kabylie, auquel je renvoie pour plus de détails : aucune compréhension n’est requise pour réciter la chahada ; aucune promesse n’y est incluse.

La profession de foi musulmane (chahada) est constitutive du drapeau de l’Arabie Saoudite 

Les réponses formulées par ledit (ladite) candidat(e) sur tout […] ont été jugées concordantes et suffisantes eu égard au but poursuivi. En effet, nous, membres de la Commission ad hoc avons dûment constaté chez lui (elle) :

  • Une mémorisation correcte de quelques sourates du Saint Coran et notamment les suivantes : El-fatiha, El-Ikhlasse, Ennassi, El-falk.

Sur une nouvelle interrogation, l’intéressé(e) a de nouveau exprimé, sans contredit possible, sa profonde conviction que l’Islam est bien la religion unique […]. C’est ainsi que persuadés :

  • De l’authenticité et de la validité de son Islam, nous l’avons alors invité(e) à prononcer, en notre présence, la Chahada […] : ce qu’il (elle) fit aussitôt en langue arabe de façon claire et correcte.

Est-il besoin d’ajouter que la procédure pour transmettre la foi ou imposer un dogme a des conséquences évidentes sur les libertés des adeptes de ces deux religions ? D’où la loi sur l’apostasie, inconcevable dans le christianisme, (ce qui ne veut pas dire que l’apostasie n’y existe pas).

Remarquons enfin, et c’est loin d’avoir été négligeable dans mon cas, une promesse incroyable est contenue dans le crédo, qui conclut les deux symboles :                    la vie du monde à venir, la vie éternelle, en entrant dans la famille de Dieu.

La foi est le fait de croire en Dieu, en des vérités religieuses révélées, dit le dictionnaire. Tandis que l’attestation est une déclaration verbale ou écrite témoignant de la véracité d’un fait, [je] certifie. À la racine [CHD ﺷﻫﺩ] dans le dictionnaire arabe, nous avons ces significations : attester, témoigner, martyr, confesser la chahada, certification, témoin… Nulle par part le verbe « croire » n’est mentionné.

En conclusion la chahada est l’affirmation d’un dogme que le musulman ne doit pas discuter. Le crédo, en revanche, exprime bien la foi (la confiance) en un Dieu invisible qui demande au chrétien de croire mais en respectant sa liberté.

Prenons l’exemple de la foi eucharistique : le catholique, ou l’orthodoxe, qui affirme croire que l’hostie et le vin sur l’autel deviendront par la consécration du prêtre la chair et le sang du Christ, conformément aux paroles de Jésus, est le summum de la foi chrétienne.

C’est pour cette raison que la foi chrétienne est bien plus difficile, mais qu’elle est pleine d’espérance car elle est le chemin qui mène à la vie avec Dieu !

 ____________________________________________________

Cet article est daté de l’année de la foi (11 octobre 2012 – 24 novembre 2013) qu’avait ouverte feu le Saint-Père Benoît VI, lequel proposait aux catholiques de « retrouver un chemin de foi capable de mieux éclairer la joie qu’il y a à rencontrer le Christ ». Il s’agira, en outre, de redécouvrir, à travers le « catéchisme de l’Église catholique », le crédo ou la profession de foi. 

Il a été publié dans la revue “Reconquête” n° 292 de novembre 2012.

Moh-Christophe Bilek, le 20/10/2012)

*******

[1]  La chahada est récitée à l’oreille du nouveau-né et le mourant doit la prononcer…