Si le Dieu du Coran est le même que celui des chrétiens, pourquoi moi, Mohammed, suis je devenu Christophe?
En vérité cette question ne s’est jamais posée; ayant vécu dans l’Islam, pratiqué ses préceptes, entouré par des musulmans aujourd’hui encore (ma famille se dit musulmane), je ne cesse d’être ébloui par la découverte de l’Evangile. D’ailleurs la lumière qui en émane, peut nous aider à suggérer une comparaison; une comparaison qui suppose, toutefois, un préalable: ceux qui veulent «discuter » du Dieu de l’Islam doivent se référer au Coran. La voici: si on devait remplacer le mot «Dieu» par celui de «lumière», celle du Coran serait lunaire et celle de l’Evangile solaire.
Or je n’hésite pas un instant, bien que dépourvu de moyens d’analyse scientifique, à dire que ces deux lumières n’ont rien de comparable, à mes yeux, mis à part le nom.
En effet, que Dieu soit unique, c’est-à-dire Créateur, quelque soit le nom qu’on lui attribue, je peux l’admettre; et de fait, si on s’arrêtait à ce postulat, il n’est pas nécessaire de quitter l’Islam pour le Christianisme.
Mais Jésus est venu révéler aux Juifs d’abord, puis à tousles hommes : «Dieu est Votre Père: Dieu vous aime et vous veut avec Luipour vous donner Sa vie»! Et, là encore, je n’hésite pas un instant: j’accepte cette offre, plutôt deux fois qu’une! Sachant par ailleurs que celle qui m’est faite, dans le Coran, de mériter, peut-être (ce n’est pas garanti), un Paradis si charnel et matérialiste (s.38, 50-52), qu’il me fait penser à des publicités pour des lieux de vacance et de farniente, sous le soleil des tropiques, ne me donne aucune certitude d’y «connaître» mon Dieu et mon Seigneur !
Et que dire des deux visages de Jésus et de Mohammed? Deux passages à l’appui suffiront; Jésus (Jn 10,11): «Moi, je suis le bon pasteur; le bon pasteur dépose sa vie pour ses brebis»; Mohammed (s.33, 47):«Ô prophète! Il t’est permis d’épouser les femmes que tu auras dotées, les captives que Dieu a fait tomber entre tes mains!»
Soyons sérieux: une chose est de dire «il n’y a qu’un seul Dieupour tous », autre chose est de dire qu’Il s’intéresse à moi, ver de terre insignifiant, tant et si bien qu’Il veut me «diviniser» en Jésus Christ.
Oui, ai-je vite compris, à la fin des années 60, Dieu veut établir une relation personnelle avec moi. Ayant conscience de ma faiblesse, venant de ces pauvres montagnes kabyles, comment ne pas être bouleversé par une si formidable attention du Maître de l’univers?
C’est de cela qu’il s’agit, et c’est cette révélation qui m’a interpellée!
À tel point, précisément, que je reprends à mon compte, à travers Pierre le questionnement de Jésus : «Mohammed, m’aimes-tu?» Autrement dit, «crois-tu en moi, après tout ce que tu as entendu et lu dans les Evangiles?» Et, enfin, comme ultime demande, celle-ci: «es-tu prêt à me suivre, à tout quitter pour moi?»
Quand on a bien compris ce que Jésus requiert, par amour, on mesure toute la difficulté à lui répondre affirmativement. Et, là encore, une chose est de lui dire «oui», du bout des lèvres, autre chose est de tout quitter pour «Lui».
À nous autres, qui venons de l’Islam, cela a pour conséquence, ipso facto, derompre, avec son passé, sa famille et sa communauté, et ses certitudes morales ou spirituelles.
Il est bien plus simple de rester musulman, je l’affirme! En ne se positionnant pas,-Bah! Nous avons le même Dieu -, les excuses sont nombreuses et faciles, pour ne pas opérer cet arrachement, accepter cette transformation, mourir à soi, et suivre Jésus, c’est une conversion exigeante qui ne s’accomplit qu’avec son aide. C’est ce que le jeune homme riche de l’Evangile n’a pas pu, ou voulu faire. Car, au moins au départ, il faut son libre consentement: Jésus ne m’impose pasde «me soumettre», mais de l’aimer en toute liberté.
Voilà encore une différence de taille: est-ce que Dieu nous crée libres ou esclaves? Selon notre réponse, Dieu n’est déjà plus le même: Dans un cas j’encoure le châtiment réservé aux apostats ou aux impies, dans l’autre je suis le fils prodigue attendu par son père qui convoquera tous ses serviteurs dés qu’il me verra à l’horizon.
Quitter l’Islam est périlleux, il se fait au risque de sa vie.
Alors, par pitié, soeurs et frères d’Occident, accueillez et soutenez ceux qui le font, d’abord, puis ayant faitce minimum de solidarité chrétienne*, vous jugerez ensuite si nous avons le même Dieu !
J’ajoute, et j’insiste là-dessus, que je ne parle pas du Dieu des musulmans, mais du Dieu du Coran! Les musulmans sont mes frères humains et, peut-être demain, mes frères et soeurs dans le Christ. Et depuis les années 90, ce n’est plus seulement une espérance, mais une réalité qui me réjouie et me fait pousser cette louange: Alléluia, Alléluia, Jésus est venu sauver tous les hommes, y compris les musulmans!
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Un Algérien pas très catholique, par Mohammed-Christophe Bibb, éditions du Cerf (1999).
* Une Communion de prière existe depuis juillet 2001, ayant pour nom MERE QABEL, ou Mère Accueil, qui s’est donné pour tâche de prier pour ces intentions et ces besoins.