I Introduction à l’article du Père Zakaria Boutros

Le Coran contient un certain nombre de versets contradictoires. Cette difficulté est résolue par les exégètes et théologiens musulmans, avec le système des versets “abrogés” (mansukh) et “abrogeant” (nasikh). La règle générale est alors “Quand deux versets se contredisent, le verset révélé en dernier abroge (supprime) le verset révélé en premier”. Ce principe est contenu dans le Coran même:

Sourate 16 (“Les abeilles”), verset 101: “Quand Nous remplaçons un verset par un autre – et Allah sait mieux ce qu’Il fait descendre – ils disent: «Tu n’es qu’un menteur». Mais la plupart d’entre eux ne savent pas”

Sourate 2 (“La vache”), verset 106 : “Si Nous abrogeons un verset ou que Nous le fassions oublier, Nous en apportons un meilleur ou un semblable. Ne sait-tu pas qu’Allah est omnipotent?”

Sur notre site, ce sujet a été déjà l’objet d’un article plus développé du Père Zakaria BOUTROS:

notredamedekabylie.net/Dialogueislamochrétien/Réponseschrétiennesauxobjectionsmusulmanes/tabid/81/articleType/ArticleView/articleId/430/Islam-Doctrine-de-labrogation-par-Pere-Zakaria-BOUTROS.aspx

Et d’un article de deux universitaires islamologues, Dominique et Marie-Thérèse URVOY dans la rubrique “Du vocabulaire de l’islam”, article extrait du livre “Les mots de l’islam” (Presse Universitaires du Mirail, 2004):

notredamedekabylie.net/Dialogueislamochrétien/DuvocabulairedelIslam/tabid/97/articleType/ArticleView/articleId/428/Abrogation-article-de-Dominique-et-MarieTherese-URVOY.aspx

II L’article “Abrogation dans le Coran” (Episode 20)

www.fatherzakaria.net

Quel est le sens du mot “abrogation” (dans la doctrine islamique de même nom)?

– Le mot “abroger” (Nasekh) en arabe signifie “copier”, par exemple quand on fait une copie d’article, mais “abrogation” a beaucoup d’autres sens comme “ablation”, ou “annulation”. Dans le Coran “abroger” un verset signifie soit l’éliminer, soit le remplacer par un autre verset, soit remplacer l’autorité légale de son contenu par une autre l’autorité légale.

– Ibn Kathir [1] rapporte ce que dit Ibn-Jarir [2] à ce sujet: “l’abrogation consiste à changer le licite en illicite, et l’illicite en licite”(1).

Combien de versets abrogés comporte le Coran?

Abu-Gaafer Al-Nahas, et beaucoup d’autres savants, ont dit que 71 sourates sur les 114 du Coran contiennent des versets abrogés, c’est à dire environ 62,28% du Coran.

Classification des versets abrogés et abrogeant

Les théologiens de la doctrine de l’abrogation ont défini trois grandes classes de versets abrogés:

a) Ceux dont le texte est abrogé, mais l’autorité légale du contenu est maintenue.

b) Ceux dont l’autorité légale du contenu est abrogée, mais le texte est conservé

c) Ceux dont l’autorité légale du contenu et le texte sont abrogés.

1) Versets dont le texte est abrogé, mais l’autorité légale du contenu est maintenue.

C’est le cas des versets qui ont été retirés du Coran, mais leur autorité légale reste toujours active et valide.

Le Coran en donne de nombreux exemples dont : la lapidation des adultères, le verset de la femme adultère, l’allaitement des adultes.

– a) Lapidation des adultères et verset de la femme adultère

La lapidation des adultères, et le verset de la femme adultère, figuraient dans le Coran du temps de Mahomet. Abrogés ils ne figurent plus dans la version actuelle du Coran d’Uthman [3], mais leur autorité légale reste valide, et actuellement l’adultère et femme adultère doivent être lapidés selon la loi islamique [4].

– b) Allaitement des adultes[5]

Le verset de “l’adulte au sein” (ou allaitement d’un adulte) figurait initialement dans le Coran. Ainsi quand Aïcha [6] désirait s’entretenir une première fois avec un homme, elle demandait à sa nièce de l’allaiter. Ainsi toute relation (sexuelle) avec elle devenait strictement interdite pour cet homme. Elle pouvait ensuite le rencontrer librement (i.e. sans possibilité de calomnie).

Abou-Gâfer El-Nahas rapporte : “Sahla, la fille de Sohil, vint voir le prophète et lui dit : j’ai constaté que mon mari (Abe Hozifa) est complètement hors de lui quand il voit Salim (l’un de leurs serviteurs) venir vers moi. Le Prophète, bénit soit-il, lui dit alors qu’elle n’avait qu’à lui donner le sein (voulant dire par là de laisser Salim lui sucer les seins, afin qu’il soit comme un fils pour elle, ainsi toute relation (sexuelle) avec elle lui deviendrait strictement interdite, et son mari ne serait plus irrité en le voyant!!!). Elle lui demanda : mais comment pourrais-je donner le sein à quelqu’un qui est déjà un adulte? Et le Prophète répondit : je sais bien que c’est un adulte. Elle s’en alla et laissa l’homme lui sucer les seins. Puis elle revint voir le Prophète et lui dit : je lui ai donné le sein, et maintenant mon époux n’est plus contrarié quand Salim vient à moi”. (2)

2) Versets dont l’autorité légale du contenu est abrogée, mais le texte est conservé

Ce sont les versets qui sont encore présents dans le Coran, mais leur autorité légale est abrogée, ou invalidée. A ce type appartiennent 550 versets.

Parmi eux se trouvent tous les versets mecquois concernant la paix et le pardon. Dans la période de sa vie à la Mecque, le comportement de Mahomet était pacifique. Il en résulte environ 124 versets incitant à la paix, et prêchant le pardon. L’ensemble de ces versets ont été abrogés par deux versets de la sourate 9 “Le Repentir, ou l’Immunité” (At-Tawbah, ou Barâ’a). Ce sont les versets du “sabre” et du “combat”.

– Sourate 9 “Le Repentir, ou l’Immunité” (At-Tawbah, ou Barâ’a) verset 5 : “Quand les mois sacrés seront expirés, tuez les infidèles quelque part que vous les trouviez !. …”

– Sourate 9 “Le Repentir, ou l’Immunité” (At-Tawbah, ou Barâ’a) verset 29 : “Combattez ceux qui ne croient pas en Allah ni au Jour dernier, ne déclarent pas illicite ce qui a été interdit par Allah et Son Messager, et ceux qui ne reconnaissent pas la religion de vérité (l’Islam). Parmi les gens du Livre (juifs et chrétiens), combattez-les jusqu’à ce qu’ils paient le tribut de soumission volontaire (la jizya) [7], après s’être humiliés”.

Ces deux versets abrogent 124 versets précédents.

3) Versets dont l’autorité légale du contenu et le texte sont abrogés

Ce sont des versets dont le texte, et l’autorité légale, ont totalement disparu du Coran.

Ainsi l’un des compagnons du Prophète voulait réciter un verset du Coran qu’il avait appris par cœur, il ne pouvait plus s’en souvenir, sauf “au nom d’Allah le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux”. Il a alors consulté ses compagnons, mais ils étaient aussi incertains sur ce verset. Ils ont donc décidé d’aller consulter le Prophète qui est resté silencieux pendant une heure, puis a répondu en leur disant “ce verset a été abrogée par Dieu hier”. (3)

– Aïcha a dit : “La sourate 33, Les Coalisés (ou les Factions) (Al-‘Ahzâb), à l’époque du Prophète, était déclamée en environ 200 versets, puis la version du Coran officialisée par Uthman n’a laissé que 73 versets”.

– De son côté Omar a dit: “De grandes parties du Coran ont réellement disparu, d’où leur absence actuelle ” (4)

Confusions engendrées par la doctrine de l’abrogation

La doctrine de l’abrogation est la source de sérieuses contradictions.

– a) L’existence de l’abrogation dans le Coran est en contradiction avec des versets tels que:

– Le verset 34 de la sourate 6 “Les Troupeaux” (Al-‘An’âm) “Nul ne peut changer les paroles d’Allah”

– Le verset 27 de la sourate 18 “La Caverne” (Al-Kahf): “Nul ne peut modifier Ses paroles”.

– b) L’abrogation contredit la notion de la “Table bien gardée”[8]

– Sourate 85 “Les Constellations, ou les Astres” (Al-Burûj) versets 21, 22: “Pourtant ceci est un Coran glorifié sur une Table conservée (bien gardée) (auprès de Dieu)”.

Est-ce que la doctrine de l’abrogation, qui a conduit au remplacement de certains versets, et à l’annulation, ou à l’invalidité de beaucoup d’autres, est en accord avec la vérité d’un Coran immuable conservé sur la “Table bien gardée” auprès de Dieu ?

De cette façon est-ce que l’annulation, ou le changement, s’est aussi produit dans le Livre sur la “Table bien gardée” auprès de Dieu?

Ou est-ce que la “Table bien gardée” a des versions mises à jour, ou corrigées?

Quand le prophète a “oublié” des versets, ne sont-ils pas censés exister dans le Livre sur la “Table bien gardée”, et alors pourquoi n’a-t-il pas envoyé Gabriel à nouveau pour lui rappeler ce qu’il avait oublié ?

– c) L’abrogation contredit ce verset:

– Verset 9 de la sourate 15 Al-Hijr : “C’est Nous qui avons fait descendre le Coran, et Nous allons le conserver en toute sécurité”.

Ainsi selon le Coran, Dieu préserve Sa parole du changement et de l’altération. Donc qu’est-ce d’autre que l’abrogation, si ce n’est changer et altérer le Coran ? Et comment cela a-t-il pu se produire?

– d) La plus sérieuse contradiction engendrée par la doctrine de l’abrogation

Elle est donnée par le verset 82 de la sourate 4 “Les femmes” (An-Nisâ’) : “S’il (le Coran) provenait d’un autre qu’Allah, ils y trouveraient certes de nombreuses contradictions”.

Ne suffit-il pas d’avoir 550 versets du Coran, abrogés, modifiés, ou remplacés, pour prouver la présence de nombreuses contradictions, et répondre ainsi à la condition énoncée par ce verset : “S’il (le Coran) provenait d’un autre qu’Allah, ils y trouveraient certes de nombreuses contradictions” ?

Certains prétendent que l’abrogation existe aussi dans la Sainte Bible, car le Christ aurait abrogé l’Ancien Testament

Le terme “abrogation” n’a jamais été mentionné dans la Sainte Bible.

Le Christ a dit très clairement: “Ne croyez pas que je sois venu abolir la Loi, ou les Prophètes. Je ne suis pas venu abolir, mais compléter” Matthieu chapitre 5, verset17

Si un enfant qui a été à l’école primaire, se retrouve ensuite à l’école secondaire, est-ce que ce qu’il a appris à l’école primaire a été effacé ? Bien sûr que non, il a simplement la possibilité de compléter ses connaissances à un niveau supérieur.

Dans l’Ancien Testament, il y avait certaines lois et symboles, relatifs entre autres aux sacrifices, qui ont été accomplis par le Christ et Son sacrifice, de sorte qu’ils sont devenus caducs par la venue du Christ. Le Christ est venu accomplir toute chose. Il a porté la Loi à sa perfection.

REFERENCES du Père Zakaria Boutros

(1) “Exégèse” d’Ibn Kathir (Tafsir) partie 1, page 104

(2) “L’abrogeant et l’abrogé” par Abu-Gaafer Al-Nahas page 124

(3) “Les versets abrogés du Coran”, par Jamal Al-Din Ibn Al-Jozy, page 589

(4) “La perfection dans la science du Coran”, par Jalal Al-Din Al-Syouty, partie 2, page 26

NOTES COMPLEMENTAIRES (ne figurant pas dans l’article du Père Zakaria)

[1] `Imâd ad-Dîn abû al-Fidâ’ ‘Ismâ`îl ben `Umar ben Kathîr ouIbn Kathîrest unjuristearabemusulman. Il est né en1301 àBosraau sud de laSyrie, et est mort en février1373 à Damas. Il est l’auteur d’un commentaire duCoran, réputé et l’un des plus connus. Il a en outre mis lesversets du Coran en relation avec leshadiths.

[2] Musulman sunnite Tabarî, ou Muhammad ben Jarîr ben Yazîd al-Imâm abû Ja`far at-Tabarî, est né en 839 au Tabaristan (Iran) d’où son surnom de at-Tabarî. Il est un des plus célèbres historiens et exégètes persans. Il a écrit des livres touchant à presque tous les domaines de la vie musulmane : histoire, commentaire (tafsir) du Coran, recueil de hadiths, commentaires (fiqh) de jurisprudence. Son livre “Histoire des prophèteset des rois” relate l’histoire du monde depuis la création jusqu’à la naissance de Mahomet, puis l’histoire du monde musulman pendant les trois premiers siècles de l’hégire. Depuis ce livre est une référence incontournable pour les érudits musulmans et les islamologues.

[3]Uthman, ou Othman, est le troisième calife de l’islam, successeur d’Abû Bakr et d’Omar. A son époque coexistaient quatre versions différentes du Coran. Il décida d’officialiser un seul exemplaire, et fit préparer plusieurs copies envoyées en différentes régions musulmanes.

[4] Au sujet de la lapidation Omar dit: “En vérité, Dieu a envoyé Muhammad avec la vérité, et a fait descendre sur lui le Livre. En conséquence, le verset de la lapidation faisait partie de ce que Dieu Très-Haut a fait descendre. L’apôtre de Dieu a lapidé, et nous avons lapidé après lui. Dans le Livre de Dieu, la lapidation est la conséquence de l’adultère”. Mishkat, Kitab al Hudud, p. 301.

Et Hamidullah rapporte que Omar a dit : “Si je n’avais pas craint l’accusation d’ajouter quelque chose au Coran, j’aurais réécrit le verset (perdu) sur la lapidation des adultères”.

[5] Sur le sujet de “l’allaitement des adultes” il faut citer l’article

article.nationalreview.com/?q=NTUwY2QyNjA0NjcwMjExMzI2ZmJiZTEzN2U1YjYyZjE=&w=MQ== :

«Botros a passé trois ans à porter à la connaissance du grand public un authentique hadith indiquant que les femmes devraient d’abord “allaiter” les hommes inconnus qu’elles devaient rencontrer. L’un des savants les plus reconnus dans la science du hadith, Abd al-Muhdi, a ainsi dû faire face en direct à cette question sur le “talk-show” du populaire animateur Hala Sirhan. La logique d’un tel hadith est qu’après “avoir donné le sein à un homme, il devienne un «fils» pour la femme et par conséquent toute intention sexuelle soit pour lui strictement interdite”.

Pour aggraver les choses, Ezzat Attia, chef du département Hadith al-Azhar – institution qui a la plus grande autorité pour l’islam sunnite – est allé jusqu’à émettre une fatwa légitimant “Al Rida ‘-Kibir” (terme de la charia pour “l’allaitement de l’adulte”). Ceci a provoqué dans le monde islamique une indignation telle qu’il a du par la suite se rétracter».

Sur ce dernier point voir l’article “Al-Azhar Lecturer Suspended after Issuing Controversial Fatwa Recommending Breastfeeding of Men by Women in the Workplace” via le lien

memri.org/bin/latestnews.cgi?ID=IA35507

[6] Aïcha (614-678), fille d’Abou Bakr (le premier calife, et selon la tradition sunnite le premier homme à embrasser l’islam après la première femme de Mahomet, Khadija), était la troisième épouse de Mahomet. La tradition sunnite dit qu’elle était la préférée, et la considère comme la “Mère des croyants”. Les recueils de hadiths de Muslim et de Boukhari mentionnent qu’Aïcha s’est mariée à l’âge de 6 ou 7 ans et que Mahomet a eu des relations sexuelles avec elle à l’âge de 9 ans. Elle est à l’origine de plus de 2200 hadiths.

Dans l’un d’eux Ibn Majah rapporte que Aïcha a dit: “Le verset de la lapidation et de l’allaitement des adultes est descendu … et sa feuille était sous mon lit : quand donc l’Apôtre de Dieu est mort, et nous étions occupés par cette mort, une chèvre est entrée et a mangé la feuille”.

[7] La jizya était l’impôt que devait payer les dhimmis (juifs et chrétiens). Pour savoir ce que représentent dans ce verset “soumission” et “humiliation” cf. le pacte d’Omar II (717-720) sur:

www.bladi.net/forum/159889-pacte-domar/

www.fordham.edu/halsall/source/pact-umar.html

www.islamajesus.com/les-autres-sources-islamiques-f4/le-pacte-d-omar-t209.htm

www.ajm.ch/wordpress/?p=764

et le rituel humiliant pour les juifs et chrétiens, établi par le calife Al Mustansir (1226-1242) lors de la perception de la jizya. Le percepteur devait les gifler en recevant la somme due.

[8] Le Coran est considérécomme la partie la plus juste deUm al Kitab, la Mère (ou matrice) du Livre (préservé dans les cieux sur la “Table bien gardée”), choisie par Dieu pour la transmettre à l’humanité, avec le dernier prophète, élu de Dieu comme messager (rasoul). Les parties précédentes (Thoraet Evangile) sont regardées comme falsifiées (tahrîf) par les juifs et les chrétiens qui, en particulier, auraient “censuré” l’annonce claire de Mahomet.Le Coran, parole de Dieu dans sa matérialité, donc intangible et invariable, est ainsi considéré “incréé” par les musulmans.