INTRODUCTION
Ce texte est une étude des réactions de chrétiens persécutés par l’islam, et d’ex-musulmans baptisés, et plus généralement de médias, devant certaines prises de position de l’Église depuis le départ de Benoît XVI. C’est un exposé de faits, et non de leçons sur les conduites à tenir dans des situations, sociétales, ou politiques, complexes. C’est pourquoi cette étude ne doit pas être interprétée en tant que jugement de personnes, c’est à dire en tant que critique, ou mise en cause de hauts dignitaires de l’Eglise, auxquels tout catholique doit respect et affection. En effet, on ne peut douter des bonnes intentions de certaines déclarations et initiatives, dues probablement à l’ignorance de la nature de l’islam, et à un choix de conseillers soit incompétents, soit artisans d’un dialogue islamo-chrétien sans réciprocité, sur des fondements ambigus, essentiellement affectifs, où l’équivoque devient une condition nécessaire au dialogue. A ce sujet, l’islamologue dominicainJacques Jomier (il y a plus d’une trentaine d’année, il avait demandé au Professeur Marie-Thérèse Urvoy de prendre sa suite dans les enseignements d’islamologie à l’Institut Catholique de Toulouse) disait: “Le gros danger pour les chrétiens, au point de vue duquel je me place ici, est la paresse intellectuelle. Elle leur fait appliquer à l’islam des schémas de pensée chrétiens, ce qui les mène à le comprendre comme une sorte de christianisme“. Dans le même sens, la préface de “Abécédaire du christianisme et de l’islam” (Dominique et Marie-Thérèse Urvoy,Editions de Paris, 2008) soulignait l’importance “de savoir ce qu’il y a réellement sous les mots employés et d’éviter ainsi tout malentendu. Si l’équivoque paraît souhaitable à certains pour une politique à court terme, elle ne ferait qu’empoisonner une coexistence à long terme“. Trois ouvrages présentent ces éléments, propres au dialogue actuel: Dominique et Marie-Thérèse Urvoy “La Mésentente. Dictionnaire des difficultés doctrinales du dialogue islamo-chrétien” (Les éditions du Cerf, Paris, 2014), Marie-Thérèse Urvoy, chapitres 26-29, de “Islamologie et monde islamique” (Les éditions du Cerf, Paris, 2016), et Louis Garcia “Entretiens sur l’islam avec le professeur Marie-Thérèse Urvoy” (éditions “Docteur angélique” 2015).
La motivation essentielle de ce document est un témoignage de fraternelle solidarité avec les chrétiens qui subissent une horrible persécution en terre d’islam depuis si longtemps, vécue avec le sentiment d’un total abandon. En prenant l’exemple des intentions de prières des messes, ce sentiment peut être illustré par cette question: combien de paroisses mentionnent chaque dimanche le martyre des chrétiens d’Orient? Le professeur Thomas Schirrmacher, directeur de la Commission sur la liberté religieuse de l’Alliance évangélique allemande, notait en 2009 que plusieurs dizaines de milliers de chrétiens étaient assassinés chaque année à cause de leur foi. Il ajoutait que beaucoup de responsables chrétiens appréhendent souvent d’aborder la persécution, et la discrimination des chrétiens, dans les pays islamiques, par crainte que cela mettre en péril le dialogue interreligieux. En 2009, Mgr Ginoux, évêque de Montauban lançait cet appel :”Mais comment pourrions-nous abandonner nos frères ? Aimons-les, prions pour eux, soutenons-les et regardons-les comme le visage du Christ crucifié”. En fait, à chaque messe, les intentions de prières sont nombreuses, mais restent liées à des notions qui restent essentiellement abstraites: la paix, la justice, l’entente entre les peuples, les droits des sans papiers, l’accueil, etc. Mais les faits concrets de persécutions sont absents. On oublie ces passages du Nouveau Testament:
– “Pierre était gardé en prison tandis que l’Eglise priait Dieu pour lui ardemment” Actes 12; 5.
– “Souvenez-vous des prisonniers, comme si vous étiez dans les chaînes avec eux, de ceux qui sont maltraités, vous aussi qui avez un corps.” (Hébreux 13:3).
Aujourd’hui non seulement Pierre est en prison [au Pakistan Asia Bibi, cette mère condamnée à mort pour blasphème envers l’islam (ASIA)], mais des membres de sa famille sont torturés, massacrés, des femmes et jeunes filles enlevées, violées, certaines vendues comme esclaves sur le territoire contrôlé par l’Etat Islamique (ESC). Dans les contrées des premières Eglises du Christianisme, victimes d’un nettoyage religieux, les chrétiens sont contraints à l’exil. Dans l’indifférence la plus totale, le christianisme disparait progressivement de ces régions. Où sont les “ardentes prières” de leurs frères? On les cherche dans les intentions de prières dites chaque dimanche dans les églises catholiques, et sur les sites des diocèses (sauf de rares exceptions). Quand il est question de “persécutions”, elles sont mentionnées sous forme floue (NDKo).
Il s’agit aussi de fraternelle solidarité avec ceux qui, au risque de leur vie, ont choisi de suivre le Christ plutôt que le Prophète de l’islam et qui, à travers certaines déclarations de l’Eglise, très “coranophiles”, ressentent une mise en cause implicite de leur choix spirituel, de l’utilité de leur conversion.
Dans ce contexte, cette étude se limite à un exposé de faits qui provoquent forte émotion et désarroi chez ces chrétiens. Elle évite tout commentaire personnel, préférant de larges extraits de réactions parus dans les médias, tout en sachant qu’à leur niveau de responsabilité des dignitaires de l’Eglise peuvent avoir à considérer des situations complexes sociétales, politiques au niveau national, et aussi diplomatiques. Cependant ces considérations, et les choix qui résultent, ont des conséquences géopolitiques en Europe, conséquences liées à un possible basculement culturel à moyen terme. Via un historique des relations avec l’islam après Benoît XVI, cette étude tente une explication de l’évolution du dialogue islamo-chrétien à l’origine de ces choix.
Pour aborder un domaine aussi délicat, où règnent souvent, invective, polémique, et condamnation de toute pensée en désaccord avec l’idéologie dominante, il est indispensable de justifier rigoureusement chaque point avancé, bien que ce choix “alourdisse” beaucoup le texte. Pour cela, chaque fait mentionné, et son association à des concepts propres à l’islam, chaque extrait d’article, peuvent être vérifiés via un lien hypertexte (mot en caractères bleus “gras”) donnant immédiatement accès à la source par un simple “clic”. Cette opération est évidemment impossible avec une éventuelle version “papier” de ce document.
– 1. RÉSUMÉ DES FAITS
Après une phase de douloureuses interrogations, deux événements marquants de la vie de l’Église en 2016 sèment le désarroi chez les chrétiens persécutés, et les ex-musulmans baptisés.
– L’évènement le plus récent a pour cadrela messe présidée par le cardinal Philippe Barbarin, le dimanche de la Miséricorde (3 avril 2016) en la cathédrale St-Jean de Lyon.Il est lié à la lecture de la sourate I du Coran “Al Fatiha” où, dans le verset 7, les “égarés” désignent les chrétiens, et “ceux qui suscitent la colère de Dieu” définissent les juifs. Des chrétiens d’Orient, conviés en tant que « migrants » afin de « partager un temps de prière commune », scandalisés ont alors quitté les lieux pour se réunir sur le parvis.Cet incident de la Fatiha s’est répété le lendemain, juste après le Notre Père, lors de la célébration de la fête de l’Annonciation, le 4 avril, en l’église lyonnaise Notre-Dame-du-Liban (VOIR), à laquelle deux responsables religieux musulmans de haut rang étaient invités.
– Le second épisode est le choix de trois familles musulmanes amenées en Italie par le Pape François, lors de sa visite à l’île de Lesbos. La rédaction arabophone du site Aleteia a analysé les très douloureuses réactions de centaines de chrétiens d’Orient. Elles sont publiées sur leur page, et analysées dans l’ARTICLE « Devrons-nous nous convertir à l’islam pour que l’Église nous vienne en aide ? », où ces chrétiens expriment leur souffrance et leur désarroi, devant l’initiative du pape François. Publié en sept langues (anglais, français, portugais, espagnol, italien, arabe et bientôt polonais), Aleteia est un quotidien d’information et de formation sur internet, qui propose une vision chrétienne de l’actualité, aussi bien profane que religieuse. Il se présente comme réunissant en janvier 2016 “près de 8 millions de visiteurs uniques, ce qui en fait le premier site catholique au monde”.
– Les chrétiens d’Orient, et les ex-musulmans baptisés, associent le choix des familles musulmanes à plusieurs déclarations islamophiles du Saint Père, dont celle du 30/11/2014: “Le Coran est un livre de paix, c’est un livre prophétique de paix” (VATICAN)lors de son retour d’un voyage en Turquie. Ces événements sont la conséquence d’une rupture avec la politique prudente que menait Benoît XVI vis à vis du dialogue avec l’islam. Pour le précédent Pape, loin devant les questions théologiques, dans le dialogue interreligieux, les aspects pratiques étaient les plus importants, tels que les commandements de la loi naturelle, la nécessité de ne pas se servir du nom de Dieu pour se livrer à la violence, la reconnaissance de la parité entre homme et femme, l’égalité des droits pour les non musulmans vivant en terre d’islam, la liberté religieuse, dont le droit de changer de religion. Le dialogue avec l’islam n’était pas désavoué, il était simplement replacé dans le cadre de ses aspects prioritaires, sur la base d’une approche réaliste et objective des questions que ce dialogue implique. La référence du Pape était alors un “dialogue des cultures” orienté vers les répercussions culturelles, et éthiques, résultantes pour les différentes religions.
– 2. LECTURE DE “Al Fatiha” LORS DE LA MESSE DU DIMANCHE DE LA MISÉRICORDE EN LA CATHÉDRALE ST-JEAN DE LYON
Les détails de l’affaire sont donnés par un témoin des faits, le copte égyptien François Sweydan, dans un article intitulé “Lyon : le cardinal Barbarin indigne les chrétiens au nom de la fausse miséricorde coranique” (VOIR). Ce texte est publié sur le site de Sami Aldeeb, juriste chrétien, d’origine palestinienne et de nationalité suisse, responsable du droit arabe et musulman à l’Institut Suisse de Droit Comparé (1980-2009), qu’il enseigne également dans différentes universités en Suisse, en France et en Italie. Cet islamologue est l’auteur de nombreuses publications, dont une traduction du Coran, avec versets classés par ordre chronologique, avec renvoi aux variantes, et aux abrogations (ABROG).
En tant que « migrants » afin de « partager un temps de prière commune », différentes communautés de réfugiés, notamment syriennes et irakiennes chrétiennes de Lyon, étaient conviées à cette messe, présidée par le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon et Primat des Gaules. Deux points ont scandalisé les chrétiens réfugiés présents:
– (a) Dans son homélie, le cardinal fit référence à la notion de miséricorde dans l’islam, illustrée par le verset introductif de la quasi totalité des sourates « Au nom d’Allah, le tout miséricordieux, le très miséricordieux », ajoutant que le Dieu de l’islam est ainsi « doublement miséricordieux ».
Or les chrétiens d’Orient, et les ex-musulmans, savent très bien que la miséricorde du Dieu de l’islam, Allah, est réservée aux musulmans, les infidèles en étant exclus. Dans le Coran, parole d’Allah dictée directement à Mahomet, le prochain est strictement celui qui appartient à la communauté des fidèles (l’Oumma). Ainsi, le Coran demande aux croyants “l’affection à l’égard des proches” (Sourate 42 “La consultation”, verset 23), mais “l’inimitié et la haine” envers les incroyants (Sourate 60 “L’éprouvée”, verset 4). Ce qu’il résume en disant que “ceux qui sont avec lui [le Prophète] sont durs (le Coran traduit par Blachère dit même “violents”) à l’égard des infidèles, miséricordieux entre eux” (Sourate 48 “La conquête”, verset 29). Ils savent aussi que les versets modérés de la période mecquoise, qui incitent à la paix et au pardon, sont abrogés (ABROG) par les versets 5 (verset dit du “Sabre”) et 29 de la sourate 9 “Le repentir” (At-Taubah).
Ici, il ne s’agit donc pas de la miséricorde du Dieu des chrétiens, Celui dont parle Mohammed-Christophe Bilek (fondateur de ce site) dans son témoignage de conversion, quand il dit “Si nous avons le même Dieu, pourquoi moi Mohammed, je suis devenu Christophe“. Sur ce thème, les ouvrages suivants démontrent l’inexactitude d’un “même Dieu” pour les chrétiens et les musulmans: “La Mésentente. Dictionnaire des difficultés doctrinales du dialogue islamo-chrétien” (Les éditions du Cerf, Paris, 2014) de Dominique et Marie-Thérèse Urvoy,“Islamologie et monde islamique” (Les éditions du Cerf, Paris, 2016) de Marie-Thérèse Urvoy (chapitres 22-30), et aussi “Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans” (Ed. L’œuvre, 2008) de François Jourdan, ainsi que le lien (Jourdan).
– (b) Le deuxième point est la lecture de la sourate I “Al Fatiha” du Coran qui,selon le droit musulman, doit être récitée lors des cinq prières quotidiennes pour qu’elles soient valides. Très courte, elle ne comporte que 7 versets: 1 “Au nom d’Allah, le Bienfaiteur miséricordieux“; 2 “Louange à Allah, Seigneur des Mondes“; 3 “Bienfaiteur miséricordieux“; 4 “Souverain du Jour du Jugement“; 5 “[C’est] Toi [que] nous adorons, Toi dont nous demandons l’aide!“; 6 “Conduis nous [dans] la Voie Droite“; 7 “la Voie de ceux à qui Tu as donné Tes bienfaits, qui ne sont ni l’objet de [Ton] courroux ni les égarés“. Il s’agit ici de la traduction du Coran (Ed. Maisonneuve & Larose, 2005, page 29) par Régis Blachère, membre de l’Institut (1972), directeur d’études à l’Institut des hautes études marocaines de Rabat (1930-1935), professeur d’arabe à l’École nationale des langues orientales (1935-1950), professeur de littérature arabe du Moyen Âge à la Sorbonne (1950-1970), directeur d’études à l’École pratique des hautes études (1950-1968), directeur de l’Institut d’études islamiques de l’université de Paris (1956-1965), directeur du Centre de lexicographie arabe, associé au CNRS (1962-1971) (WIKI).
En note de bas de page, Blachère précise que les “égarés” désigne les chrétiens,et que “ceux qui sont l’objet du courroux d’Allah” sont les juifs, selon “Une Tradition qu’on fait remonter jusqu’au Prophète“. En islamologie “Tradition” (avec T majuscule) désigne les hadiths, paroles de Mahomet transmises via une chaîne de témoins fiables, et dont les recueils font partie des livres canoniques de l’islam. De son côté, Sami Aldeeb démontre quele verset 7 est source de haine envers les chrétiens et les juifs. Cette démonstration se déploie sur trois paragraphes de la 1ère partie de son livre “La Fatiha et la culture de la haine. Interprétation du 7e verset à travers les siècles“. Il s’agit du §2 “Sens donné par les exégètes et leurs justifications”, du § 3 “Les versets du Coran en rapport avec le verset 7”, du § 4 “Les récits de Mahomet en rapport avec le verset 7“. Ce livre (120 pages) peut être téléchargé sur le site de Sami Aldeeb, via le liensami-aldeeb.com/tafsirs/Fatiha_amazon_fr.pdf
Dans le même sens, Tawfik Hamid, américain d’origine égyptienne, ancien membre du groupe islamique radical Jamma Islamiya, Senior Fellow au Potomac Institute for Policy Studies, écrit: “J’admets que l’enseignement actuel prodigué dans nos écoles et dans nos mosquées crée la violence et la haine contre les non-Musulmans. Nous autres Musulmans nous avons besoin de changer notre perception du monde“(LIRE). Lors d’un débat sur le terrorisme et l’islamisme, devant des dignitaires ex-coreligionnaires à la tribune, le marocain, Rachid, fils d’imam, converti au christianisme, pasteur de l’Eglise évangélique parle de la Fatiha, et des prêches du vendredi, source de haine envers les juifs et les chrétiens(RACHID). Il s’agit du témoignage courageux d’un apostat de l’islam qui, à l’âge adulte, a réfléchi sur sa formation religieuse, et sur l’enseignement des livres canoniques de l’islam.
L’article du copte égyptien François Sweydan “Lyon : le cardinal Barbarin indigne les chrétiens au nom de la fausse miséricorde coranique” (VOIR), parle de la colère, et du désespoir des chrétiens d’Orient présents lors de la messe du dimanche de la Miséricorde, sentiments engendrés par la lecture de la Fatiha. Il mentionne aussi les regrets des organisateurs de cette messe (VOIR):
“La personne en charge des migrants pour le diocèse de Lyon, et organisatrice de cette rencontre avec les chrétiens d’Orient, s’est excusée de cette « grave erreur de discernement », commise naïvement (?) par méconnaissance du sens, car « la “prière” [plutôt la sourate de la Fatiha] parlait de la miséricorde aussi… », reconnaissant en effet son ignorance et que « c’était choquant et blessant »”.
– (c)Cependant cette lecture de la Fatiha s’est renouvelée le lendemain lors de la célébration de la fête de l’Annonciation, le 4 avril, dans le sanctuaire lyonnais Notre-Dame-du-Liban, juste après le Notre Père. Il s’agissait d’une rencontre de « prière commune dédiée à la Vierge Marie » en la présence du cardinal Barbarin, de Mgr Michel Dubost président du Conseil pour le Dialogue Interreligieux au sein de la Conférence des évêques de France (CEF), de responsables du dialogue islamo-chrétien, d’Anouar Kbibech, président du Conseil Français du Culte Musulman, et de Kamel Kebtane, recteur de la Grande mosquée de Lyon. Cette démarche, nommée “Ensemble avec Marie”, a son origine dans une initiative libanaise, le gouvernement de Beyrouth ayant proclamé cette journée en 2010 “Fête nationale islamo-chrétienne chômée”.
Or, la Vierge Marie de l’Evangile, Mère de Jésus Fils de Dieu, n’est pas Mariam du Coran, sœur d’Aaron (sourate 19, verset 29), dont le fils Îssâ ((traduit par Jésus) est le pénultième prophète musulman qui, dans un évangile (Injil) “non falsifié par les chrétiens”, annonce la venue de Mahomet, négateur de la divinité du Christ (lire à ce sujet Jean 1ère épitre, 2, 22-23, et 2, 3-4).
La réaction des chrétiens d’Orient, qui est aussi celle de néo chrétiens, bon connaisseurs de des enseignements de l’islam, est bien naturelle. D’autant plus “qu’en ouverture de ce “rendez-vous interreligieux à la fois spirituel et festif”, le muezzin a appelé à la prière (le Adhan) :
« Allah est le plus grand. J’atteste qu’il n’y a de dieu qu’Allah. J’atteste que Muhammad est le messager d’Allah. Venez à la prière, venez à la félicité. La prière est meilleure que le sommeil. Allah est le plus grand. Il n’y a de vraie divinité hormis Allah. »“(VOIR)
François Sweydan ajoute:
“Le « Allahu akbar », est parfois faussement traduit en français par « Allah est grand ». C’est plutôt « Allah est le plus grand – que le vôtre (celui des juifs/des chrétiens) ».
Il sous-entend implicitement qu’Il est le plus grand de tous les dieux, sans exception. Parce qu’Il est irréductible à tout autre, sans pareil, Allah est le seul qui mérite le qualificatif et superlatif absolu akbar (sans nul comparatif, et sans complément). Ce qui est affirmé haut et fort c’est la supériorité d’Allah. Aucun autre Dieu, qu’Il soit unique et qu’Il se nomme YHWH, Élohim, Jéhovah, Le Christ ne peut lui être comparé, ni opposé, ni substitué. On comprend dès lors pourquoi l’Allahu akbar est le cri de ralliement de tous ceux qui souhaitent que l’islam domine le monde. […] Après le « Allah akbar » gravé en 2010 sur une gargouille de la cathédrale St-Jean de Lyon lors de sa rénovation, « alors que dans beaucoup de pays musulmans, la religion chrétienne est interdite et les chrétiens martyrisés, à Lyon, les musulmans se paient le luxe de s’approprier nos églises, en toute tranquillité, et avec la complicité des autorités catholiques » (JIL), voici venir le deuxième acte de la Dawa, du prosélytisme « par la langue », au sein même de nos églises. Les juifs plus avisés restent plus prudents. “.
– (d) Toujours au sujet de la messe de l’Annonciation, le Père Michel Viot, prêtre catholique au service du Diocèse de Versailles et aumônier national des anciens combattants, explique sur son blog (rappel des faits ici) le titre de son article “Avec une certaine inquiétude“:
“Je ne trouve pas d’autre expression pour traduire mon état d’esprit devant certaines initiatives catholiques en matière de dialogue interreligieux avec les musulmans.
Oui, la célébration de la fête de l’Annonciation le 4 avril dernier dans un sanctuaire lyonnais m’inquiète et me trouble (…). J’y vois deux risques majeurs:
Le premier concerne la piété mariale. Ce qui la fonde pour nous catholiques, c’est la christologie ! C’est l’affirmation par le Concile d’Ephèse en 431 que la Vierge Marie est « Theotokos » « Mère de Dieu » ! L’Annonciation n’est une fête chrétienne que parce qu’elle proclame la maternité divine de Marie. Or, si le Coran admet la naissance virginale, il refuse à Jésus le titre de Fils de Dieu ! C’est pour cette raison que les chrétiens sont considérés comme des égarés ! Ce sont donc eux qui sont désignés par la Fatiha, première sourate du Coran, récitée le 4 avril dernier à Lyonet ce juste après le Notre Père, authentique Parole de Dieu, ce Dieu incarné que l’Islam refuse et auquel finalement de plus en plus de chrétiens croient de moins en moins. Et cela aggrave mon désarroi ! Car on laisse croire par cette célébration interreligieuse, dans une église, qu’au fond la grande différence de croyance concernant Jésus et Marie n’est pas si grave, puisqu’elle n’empêche pas d’être ensemble pour prier. Et cela déjà poserait problème. Mais les personnes présentes, et surtout celles qui ne l’étaient pas, ne risquent-elles pas de croire qu’on était là pour prier ensemble ? Monsieur Bénévent Tosseri n’écrit-il pas dans La Croix à propos de cette manifestation : « A cette occasion, chrétiens et musulmans sont invités à prier ensemble Marie. » (Qu’on se reporte au N°83 et surtout au dernier paragraphe des instructions du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, données à la fin de BLOG).
Qu’on me comprenne bien, je n’accuse personne, et encore moins les chrétiens de Lyon, laïcs et clercs qui ont organisé cela ! Je suis persuadé de leurs bonnes intentions. Mais je pense, en conscience, qu’ils ont commis une erreur. Au Liban, d’où nous vient cette fête, chacun connaît bien sa religion et celle des autres. Ce n’est pas du tout le cas en France. De plus organiser cette célébration dans un lieu consacré est plus que mal venu ! Un confrère libanais maronite m’a précisé que c’est à l’initiative du gouvernement et du parlement libanais que la fête de l’Annonciation a été déclarée Fête Nationale au Liban. Mais elle ne donne aucunement lieu à des rencontres interreligieuses entre musulmans et chrétiens.
Le second risque est de l’ordre de la propagande. Ne voulant pas me prononcer sur la France, pour des raisons que chacun comprendra, j’affirme qu’à l’extérieur, là où il y a tout de même la guerre, ce que certains semblent oublier, de telles manifestations apparaissent comme des conquêtes de l’Islam sur le christianisme. Cela ne peut être que mal compris par nos frères chrétiens persécutés, comme par nos soldats qui combattent les terroristes islamistes. Avoir fait réciter à Lyon la Fatiha après le Notre Père, a hissé Mahomet au même rang que Jésus, pour beaucoup de musulmans, même si, je le répète, ce n’était pas le but des organisateurs chrétiens.
Je conclurai mon propos de ce jour, qui restera volontairement grave, jusqu’au bout, une fois n’est pas coutume, par une citation d’une lettre du regretté professeur Roger Arnaldez, islamologue réputé, que j’ai eu l’honneur et le bonheur de connaître. Elle date du 7 septembre 1994 et est adressée au Père Maurice Borrmans très attaché au dialogue entre chrétiens et musulmans :
” Est-ce à dire que je suis opposé au dialogue ? Non. Il faut il est vrai, reconnaître que les musulmans en tirent parti pour leur propagande, car ce dialogue les met en vedette. Mais c’est leur affaire. L’essentiel est de ne pas s’y laisser prendre. […] Ce n’est pas la crise islamiste avec son fondamentalisme qui est cause de mon scepticisme et de mes réserves. Mais elle les conforte. Je m’élève contre ceux qui veulent distinguer un « bon » et un « mauvais » islam. […] J’attends qu’on me dise quel est le principe, théorique et pratique, des terroristes musulmans, qui n’est pas fondé à la lettre sur un verset coranique. Trop de ceux, chrétiens ou non, qui veulent « sauver » l’islam en l’idéalisant, n’ont pas eu la patience de lire le Coran […]. Tout dépend, il est vrai, des commentaires, mais des commentaires, on fait ce qu’on veut. Il reste que le Coran est en soi un engin explosif, et le mieux qu’on puisse en dire, c’est qu’il n’explose que si quelqu’un le met à feu. »”
Note. La dernière phrase du N°83 des instructions du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux, mentionnée plus haut par le Père Viot, est :”De même, lorsque des représentants d’autres religions sont invités à assister à des liturgies catholiques, ils ne devraient pas être invités à prier et encore moins à exercer un rituel propre à leur religion.“
Dans leur livre “La Mésentente. Dictionnaire des difficultés doctrinales du dialogue islamo-chrétien” (Les éditions du Cerf, Paris, 2014), Dominique et Marie-Thérèse Urvoy, consacre l’introduction (pages 9-26) à ce type de dérives du dialogue islamo-chrétien, un paragraphe au thème “Prier ensemble” (pages 231-245), et un autre à une “Théologie islamo-chrétienne” qui, progressivement, se met en place (pages 323-329). Quarante items traitent des notions et mots qui, sous le même nom, sont utilisés dans les deux religions, mais avec des sens totalement différents.
– 3. LE PAPE FRANÇOIS ET L’ISLAM
Depuis le départ de Benoît XVI, son successeur a multiplié les gestes de bonne volonté, et d’ouverture de l’Eglise vers l’islam. C’est le cas de déclarations favorables au Coran, dont celle du 30/11/2014: “Le Coran est un livre de paix, c’est un livre prophétique de paix” (VATICAN),et du choix de trois familles musulmanes amenées en Italie, lors de sa visite à l’île de Lesbos. Ce paragraphe tente un historique de ces faits, afin d’identifier la source de ces initiatives, ainsi que le désarroi résultant chez les chrétiens persécutés, et les ex-musulmans baptisés.
– 3.1. Historique du début de l’évolution des relations avec l’islam après Benoît XVI
Il est hautement probable qu’un message très clair de Mahmoud Abdel Gawad, conseiller pour les affaires interreligieuses de l’imam Ahmed al-Tayyeb d’Al-Azhar, la plus haute autorité religieuse du sunnisme, est à l’origine de la multiplication de gestes islamophiles du Saint Père. En effet, début juin 2013, ce conseiller d’Al-Azhar évoquait la possibilité de reprise d’un dialogue compromis par Benoît XVI (?) dans ces termes: “Les problèmes que nous avons eus n’étaient pas avec le Vatican, mais avec l’ancien pape. Maintenant, les portes d’Al-Azhar sont ouvertes, le Pape François est un nouveau pape. Nous attendons qu’il fasse un pas vers nous, en déclarant que l’islam est une religion pacifique, que les musulmans ne cherchent pas la guerre ou la violence, ce serait un réel progrès en soi” (VOIR). A ce sujet, il faut noter qu’à l’époque Benoît XVI avait alors réagi à un attentat (31 décembre 2010) dans une église copte d’Alexandrie, carnage qui avait fait 21 morts, 79 blessés. Le Pape ne faisait que dénoncer les “discriminations, abus et l’intolérance religieuse“ dont étaient alors victimes les chrétiens d’Egypte, avec la complicité de responsables de l’ordre. A l’époque, les assassins de chrétiens étaient rarement punis. Le Saint Père demandait aux autorités égyptiennes de garantir la protection des chrétiens, maintenant assurée par le gouvernement du maréchal Sissi, en guerre avec les islamistes depuis 2013, notamment les Frères musulmans, les islamistes de Libye et du Sud de l’Egypte. Le pouvoir égyptien d’alors niait cette réalité, et accusait Benoît XVI d’avoir “injurié” l’Egypte. Auparavant, son discours de Ratisbonne de 2006 (qui dénonçait le divorce entre foi et raison dans l’islam orthodoxe sunnite et la violence au nom de Dieu), jugé “islamophobe”, avait été violemment dénoncé non seulement par les musulmans, mais aussi par nombre de catholiques.
En tant que première réponse au message de Mahmoud Abdel Gawad, le 17/09/13, le Nonce apostolique en Égypte avait remis un message personnel du Pape à Ahmed al-Tayyeb, accompagné d’une copie du message adressé par François aux musulmans du monde entier, à l’occasion de la fin du ramadan. Dans ce message le Souverain Pontife exprimait “estime et respect pour l’islam et les musulmans”, ainsi que le souhait d’un engagement en faveur de la “compréhension entre chrétiens et musulmans dans le monde afin de construire la paix et la justice” (LIRE).