Cet article donne l’effroyable bilan des violences (novembre 2020) subies par les chrétiens dans le monde. Il a recours à des “liens hypertexte” sous forme de lignes bleues (équivalentes aux références de fin de texte). Par clic sur l’une de ces lignes, on accède (uniquement via un écran), à la définition d’un terme, ou à l’original de l’information citée. Une copie “papier” de cette étude ne permet pas le complément d’information donné par ces “liens“.
En tête du texte de ce bilan (l’un des rapports mensuels que l’islamologue Raymond Ibrahim publie sur son site, depuis juillet 2011): une photo montrant la détresse d’une famille après l’assassinat de deux de ses membres à Gujranwala (Pakistan, 9 -11- 2020). Dans le bilan, ce fait est mentionné à la rubrique “The Slaughter of Christians” (paragraphe “Pakistan“). Sa traduction est intitulée “Le Massacre des chrétiens” dans le texte pdf ci-dessous.
L’original de la photo, et son commentaire (mentionnés par Raymond Ibrahim), ont été publiés antérieurement sur le site Asia News (l’agence de presse officielle de l’Institut Pontifical des Missions Etrangères), sous le titre “Punjab, Christian mother and son, killed by Muslim neighbours in quarrel” (Pendjab, une mère chrétienne, et son fils, assassinés par leurs voisins musulmans, à la suite d’une querelle de voisinage). En 2010, le père Bernardo Cervellera, directeur d’Asia News, avait manifesté sa sympathie pour les néo-catholiques ex-musulmans de Notre-Dame de Kabylie, en organisant le programme du 1er Pèlerinage 2010 à Pavie, vers les reliques du théologien berbère Saint Augustin. Cet événement avait donné lieu à un article de Lorenzo Fazzini, journaliste du quotidien catholique “Avvenire” (traduction en français: voir ici).
La photo d’Asia News (et du site de Raymond Ibrahim) représente l’une des scènes de “violence ordinaire”, vécue par les chrétiens du Pakistan (pays au 1er rang de ceux qui persécutent les “infidèles“). Il s’agit du résultat d’une querelle de voisinage : une mère chrétienne Yasmeen, et son fils Usman, viennent d’être assassinés par leurs voisins musulmans. Au centre, on voit Usman (père d’un nourrisson d’une semaine, et d’une petite fille de 3 ans), agonisant dans les bras de son père, Shabeer Masih (époux de Yasmeen) qui, de son bras droit, semble demander de l’aide. A gauche une flaque de sang, et le corps de Yasmeen qui vient d’être assassinée par l’un des deux fils de la voisine. Usman tient la main de sa femme (de dos) qui lui caresse le visage. A droite une jeune femme accroupie tient dans ses bras une petite fille (probablement celle d’Usman) qui a un geste du bras droit vers son papa. Au fond des passants indifférents. Le texte de “The Slaughter of Christians / Pakistan” ajoute qu’une voiture est passée, mais personne n’en est sortie pour aider au transport du blessé vers un hôpital. Mariyam Kashif, assistante sociale et enseignante catholique, a qualifié ces deux assassinats de «monstrueux exemple de l’aggravation d’une situation d’intolérance, et de haine des chrétiens».
Cette scène de totale détresse d’une famille chrétienne, plongée dans un environnement hostile, possède une extraordinaire charge symbolique. En effet, elle a un lien direct, “charnel”, avec la parabole du Bon Samaritain. Dans un contexte différent, sur la base d’une notion de “Fraternité Universelle“, l’encyclique Fratelli Tutti (“Tous Frères“, signée par le Pape à Assise le 3-10-2020) a fait largement appel à cette parabole (thème de tout le deuxième chapitre “Un étranger sur le chemin“, avec des retours dans le troisième chapitre). Dans ce document pontifical, il s’agit de souligner le devoir chrétien d’accueil des migrants musulmans (le péché étant son refus: populisme, nationalisme, repli sur soi). Le 1er appel dans ce sens était celui des paragraphes 252 et 253 d’Evangelii Gaudium (1ère lettre d’exhortation apostolique du pape François, 24 novembre 2013, 8 mois après son élection, à l’occasion de la messe solennelle clôturant l’« Année de la foi»).
Étrangement, l’encyclique est silencieuse sur les devoirs envers nos “Frères dans le Christ” (titre d’un livre du jeune théologien Joseph Ratzinger, futur pape Benoît XVI) qui, dans une situation de total abandon, subissent les violences inspirées de la sharia (à ce sujet voir l’étude de Marie-Thérèse Urvoy “La violence morale dans les Ahkâm Ahl-Dhimma d’Ibn Qayyim al-Jawziyya). Implicitement, ce silence exclue nos frères dans le Christ de la “Fraternité Universelle” prônée dans l’encyclique. Or, cette “Fraternité Universelle“, ici, se trouve en opposition avec l’ordo caritatis de l’Eglise: i.e. existence d’un ordre dans la pratique de la charité, ordre qui n’est pas exclusif, car le chrétien doit aimer même ses persécuteurs. L’épitre de Saint Paul (Ga 6,10: “pratiquons le bien envers tous, mais surtout à l’égard de nos compagnons de foi“), Saint Thomas d’Aquin qui qualifie de “déraisonnable“ la thèse selon laquelle tous les hommes doivent être aimés également (Summa Theologiae II-II, q. 26, art. 6), mettent en relief l’autorité de cet Ordo. Le § 4 “Une fraternité exaltée vs une fraternité oubliée” d’une étude de l’encyclique s’y réfère.
De fait, la tragique scène de la photo d’Asia News, reproduite sur le site de Raymond Ibrahim, devient une “allégorie tragiquement expressive” de la parabole du Bon Samaritain. Elle est aussi, l’image symbolique de notre indifférence au sort de nos “frères dans le Christ“, dont les persécutions atteignent un niveau effrayant. Sur la photo, le bras de Shabeer Masih, implorant une aide qui ne vient pas, est tendu vers nous, les catholiques qui ne portons aucun intérêt aux situations de détresse de nos frères dans la foi. Pour des raisons de comportement politiquement, religieusement, ecclésialement correct, nos “frères dans le Christ” sont laissés “au bord du chemin“. Nous sommes “ce prêtre et ce lévite” qui détournent le regard, et qui “passent outre, sans aucune compassion pour la souffrance du blessé gisant” (termes exacts du § 67 de “Tous Frères“), blessé que nous voyons sur la photo agonisant dans les bras de son père.
Une estimation du niveau de cette situation d’indifférence, individuelle et médiatique, est fournie par la fréquence (globalement quasi nulle) des mentions de ces persécutions dans les intentions de la partie “Prière Universelle” des messes du rite ordinaire. Pour les deux rites de l’Eglise catholique, au moins dans le cadre des messes des martyrs (ornements liturgiques rouges pour le rite extraordinaire), tout comme la journaliste américaine Kristen Powers, on s’attendrait à ce que les atrocités vécues par nos frères dans le Christ “enflamment les chaires et les bancs des églises“. Attente vaine!
De leur côté, les médias dominants catholiques assurent un “service minimum” d’information sur les persécutions des chrétiens. Il s’agit de ne pas compromettre le dialogue islamo-chrétien, et les excellentes relations entre le Pape François et le Grand Imam Ahmed al-Tayyeb d’Al-Azhar (la plus haute autorité religieuse du sunnisme mondial, cf. le § 3.3 de cette étude). Ces relations ont pour origine le § 253 d’Evangelii Gaudium “… le véritable Islam et une adéquate interprétation du Coran s’opposent à toute violence.” (24-11-2013), réponse à la condition d’Al-Azhar (08-06-2013) pour une reprise du dialogue . La “quasi-indifférence” résultante pour les médias est mystérieuse, alors que la souffrance des migrants musulmans est largement exploitée, comme le montre l’utilisation de la bouleversante photo du petit Aylan sur une plage de Turquie, exploitée pour culpabiliser l’Europe, accusée de faire de la méditerranée un vaste cimetière. Le quotidien La Croix revient régulièrement sur ce drame: LIRE 1, LIRE 2, LIRE 3, LIRE 4, LIRE 5, (plus récemment LIRE 6, 2019, navire humanitaire baptisé Aylan), et LIRE 7 (septembre 2020). Par contre, La Croix semble ignorer le sort épouvantable des enfants mentionnés dans un rapport des 18 membres du Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies (lire “Aleteia“: exécutions de masse de garçons, ainsi que des décapitations, des crucifixions et des ensevelissements d’enfants vivants). Aussi, la scène de la photo d’Asia News n’a aucune chance d’intéresser le plus grand quotidien catholique français, alors qu’il est probable qu’en septembre 2021 la photo du petit Aylan reviendra en bonne page de ce quotidien. En sera-t-il de même pour cette allégorie de l’innocence face à la barbarie (Irak, État islamique):
Face aux médias dominants globalement indifférents, il est réconfortant de voir que, maintenant, le rôle du Bon Samaritain est tenu par des non-chrétiens qui, ouvertement, eux compatissent aux souffrances des chrétiens martyrisés, et s’étonnent du silence de l’Eglise (LIRE a, LIRE b, LIRE c). Une personnalité musulmane britannique, le Sheikh Dr Muhammad Al-Hussaini, va même jusqu’à dire que “la persécution des chrétiens s’amplifie parce que la hiérarchie de l’Eglise s’en soucie peu“. A ce sujet lire l’article “Iman blames Christian Leaders for the Persecution of Christians” du site de Christian Concern. Parmi les témoignages courageux de ces étrangers à la foi du Christ (plus de détails sont donnés dans le § 4 “Une fraternité exaltée vs une fraternité oubliée” d’une étude de l’encyclique), on peut noter :
– Le poignant reportage, et l’émotion du philosophe Bernard-Henri Lévy, devant les atrocités dont sont victimes les chrétiens au Nigeria, ainsi que son étonnement devant le silence qui couvre une mise “en place pour un nettoyage ethnique”.
– Le livre de Raphaël Delpard “La persécution des chrétiens aujourd’hui dans le monde”, et sa recension par Lucette Jeanpierre (l’une des journalistes du site “Riposte Laïque“) qui écrit: “On ne peut lire un tel ouvrage sans être profondément troublée par le silence qui accompagne ces violences inacceptables, ces meurtres, ces viols, ces actes de barbarie. Silence de l’Eglise catholique, silence des hommes politiques de droite comme de gauche. J’ai été bouleversée par le courage de ces chrétiens, qui subissent de longues séances de tortures, mais refusent d’abjurer leur foi, quitte à payer cela du prix de leur vie.”
– De son livre, Raphaël Delpard a fait un film documentaire “La persécution des chrétiens dans le monde” (2018), où il semble fasciné par le mystère de cette persécution, présentée comme un triple mystère, dont le dernier, celui du mystère du choix du martyre plutôt que la conversion à l’islam ce qui, pour l’auteur, est le “mystère encore plus impénétrable lorsqu’on tente de comprendre le moteur interne des chrétiens qui les pousse à endurer, mourir, plutôt que de sauver leurs vies, et leurs pauvres destins“.
Dans ces deux références, il s’agit du choix entre la conversion à l’islam, ou la mort, que les islamistes offrent généralement à leurs victimes chrétiennes (par exemple les 21 coptes égyptiens décapités au couteau sur une plage de Lybie). Le refus de cette apostasie est fréquemment évoqué dans les bilans mensuels de Raymond Ibrahim, et plus particulièrement ci-dessous (novembre 2020).
Le titre général du bilan des persécutions de novembre, choisi par Raymond Ibrahim, est: “They Shot My Wife in the Head and Cut Our Four Children into Pieces”: Muslim Persecution of Christians, November 2020” (ils ont tiré une balle dans la tête de ma femme, et ont coupé en morceaux mes quatre enfants). C’est le cri de douleur d’un pasteur protestant (exerçant en République Démocratique du Congo), après un raid islamiste (20-25 novembre 2020) qui a donné lieu au massacre d’une vingtaine de chrétiens (cf. ci-dessous le § “Massacres de chrétiens/ Congo“). Sur la base d’un témoignage, le pasteur (absent lors du raid) donne la raison de cette atrocité: “Ils ont voulu forcer ma femme et nos quatre enfants à se convertir à l’islam, et devant leur refus, ils ont [….]”.
Selon Morning Star News (1er décembre 2020), il y a eu de nombreuses attaques de ce genre contre les chrétiens au cours des semaines et des mois qui ont précédé, avec viols de jeunes filles, enlèvements d’adolescentes, et avec «plus de 50 chrétiens qui, ayant refusé de renoncer à leur foi, ont été assassinés, dont des femmes et des enfants».
Dans la rubrique ci-dessous “Mort pour les apostats et les blasphémateurs/ Ouganda“, un enfant de 6 ans a été tué par ses oncles et tantes, parce que son père – le frère des meurtriers, ancien cheikh islamique – s’était converti au christianisme et avait refusé de revenir à l’islam. Sans aller chaque fois jusqu’au meurtre, cette rubrique donne aussi des exemples de traitements infligés aux apostats de l’islam, et aux chrétiens accusés de blasphème. Il est aussi question d’enlèvements de jeunes chrétiennes. Comme dit dans le § 2.2 de l’étude de l’encyclique, l’enlèvement d’adolescentes et femmes, suivi de conversions et mariages forcés, devient une forme de jihad de plus en plus utilisée en Egypte, au Nigéria, au Pakistan, et en Indonésie.
Un article (France-Catholique, 15-01-2010) du père Daniel-Ange est intitulé “Dans le dialogue avec l’islam : le tabou levé ou le silence récidivé?” A travers cette question, l’auteur fait référence (l’accord de Metz) à :
“…. «Cette conspiration du silence » dans l’Église catholique en France, en ses instances officielles, face à la persécution communiste dans les pays d’Europe de l’Est (à notre porte !), comme en Asie. […] Sujet tabou, car il ne fallait pas porter ombrage à la politique de la « main tendue » ou de l’Ostpolitik.“. Il a fallu Jean-Paul II pour nous arracher, avec grand peine, à ce silence assourdissant (cf : son discours aux évêques, à Issy, lors de son premier voyage, et celui de Lourdes, le 15.08.83 ). […] J’ose poser la question politiquement, ecclésialement très incorrecte : ne recommençons nous pas, avec la persécution islamique ?
Dans le paragraphe “Une conspiration du silence ? Inconscience ou lâcheté ?“, le père Daniel-Ange ajoute:
“Il ne faudrait pas que dans 10 ans, lorsque les faits éclateront au grand jour, ces frères qui donnent leur vie plutôt que de renier leur foi, nous reprochent à leur tour notre indifférence coupable, notre lâcheté, osons le mot : notre couardise. Je voudrais éviter à l’Église de France, cette tache sur son Visage d’épouse du Christ.”
Avant ce passage, le père donne deux citations: ” Nous devrions tous pouvoir dire le mot d’Elie Wiesel : « Je ne lutte pas contre le mal, mais contre l’indifférence au mal. », ou celui d’Einstein : « Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font du mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire. » ”
La conclusion du père est dans le paragraphe “Une urgence : pour nous stimuler, offrir nos martyrs en exemple“:
“À ce propos, que faisons-nous pour faire connaître ces admirables exemples de baptisés (encore une fois de toutes dénominations chrétiennes) préférant les pires tortures, souvent jusqu’à ce que mort s’en suive, au mieux la prison à perpétuité, si ce n’est l’exil, ainsi que toutes les représailles sur leur famille, tout cela plutôt que de renier leur Seigneur Jésus.
Comment, sans hypocrisie, fêter liturgiquement nos grands martyrs d’hier, ignorant sciemment ceux d’aujourd’hui – nos propres contemporains – alors que leurs souffrances, courage et amour, sont bien dignes de leurs prédécesseurs sur ce chemin de Golgotha. Je pense à ces héroïques professions de foi, lors de parodies de procès au risque et parfois au prix de la mort. Des credo signés de leur sang.”
Construits intérieurement comme nous, quand ils connaissent ces persécutions, il est évident que beaucoup de musulmans doivent ressentir des sentiments de pitié devant l’effrayant sort des chrétiens dans certains pays. On ne peut reprocher leur silence, devant notre coupable indifférence. Sortir de ce silence leur ferait prendre des risques que nous ne courrons pas. Il a fallu beaucoup de courage au Sheikh Dr Muhammad Al-Hussaini (personnalité musulmane britannique) pour en parler.