À l’occasion de la rencontre de ROME :
Appel pressant des chrétiens venus des pays musulmans ou y vivant :
– À la délégation représentant les Cent trente huit (138) signataires, Guides Religieux et Personnalités Musulmanes, de la lettre du 13 octobre 2007, adressée à tous les guides des Eglises chrétiennes.
– Aux experts de l’Eglise Catholique choisis par les autorités du Vatican à cette rencontre du 4 au 6 novembre 2008.
Pour la gloire de Dieu, Paix et Salut sur vous.
Nous avons découvert, il y a un an, dans la presse, la lettre appelant au dialogue, dont vous êtes conjointement signataires. Elle était adressée, c’est une première selon beaucoup de commentateurs, à tous les responsables chrétiens, dont le Pape, qui a décidé d’y répondre en initiant cette rencontre.
Nous nous sentons d’autant plus concernés que certains médias lui ont donné pour titre :
« L’Islam n’est pas contre les chrétiens ».
Venant de différents pays où la religion musulmane régit tous les aspects de la vie en société, quand ce n’est pas la « charia » qui fait force de loi, nous ne pouvons que nous réjouir d’une telle prise de conscience.
De sorte que nous posons cette question, simple et légitime : le temps n’est-il pas enfin venu de prendre en considération les chrétiens vivant minoritairement en pays musulman ? Car leurs conditions de vie, déjà marquée par l’insupportable état de « dhimmis », et ceci depuis des siècles, se trouvent aggravées avec la montée de l’islamisme militant apparu ces derniers temps dans leurs pays respectifs.
Quant aux néo-chrétiens, ou convertis, ils n’ont tout simplement aucun droit d’exprimer leur nouveau choix religieux, sous peine d’être condamnés comme apostats, à tel point qu’ils sont contraints de s’exiler, quand ils le peuvent.
Le cas le plus célèbre ayant défrayé les chroniques étant celui de Abdul Rahman, de l’Afghanistan, qui n’échappa à la pendaison que par suite des interventions des plus hautes autorités mondiales. D’autres, hélas, n’ont pas eu cette chance, tel Rami Khader Ayyad de Gaza, et ce n’est pas le dernier…
Voilà donc trois sujets urgents, et préalables, à ce dialogue de vérité que nous appelons, nous aussi, de tous nos vœux :
– la loi islamique ne saurait s’appliquer à des non musulmans.
– la dhimmitude, qui fait des chrétiens des exclus et des parias, n’est plus acceptable et doit être abolie, car elle porte atteinte à la dignité humaine, tout comme l’esclavage.
– la liberté de changer de religion doit être partout reconnue comme un droit fondamental, un droit qui vient de Dieu lequel ne force personne à L’adorer.
Le Coran le reconnaît du reste : en religion pas de contrainte (sourate 2, verset 256). Toutefois le Hadith connu contredit cette belle affirmation :
«Mais sans aucun doute je les aurais tués puisque le Prophète a dit : si quelqu’un (un musulman) s’écarte de sa religion, tuez-le. » (Récit d’Ikrima, Bukhari LII 260).
Hélas certains états ont inscrit dans leur constitution (Mauritanie) cette sentence qu’ils appliquent, malgré la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.
Notre appel se veut respectueux mais pressant, et nous l’adressons bien sûr à vous, les honorables délégués des Cent trente huit signataires, qui avez eu cette heureuse initiative, bien que nous n’ignorons pas le problème de légitimité qui se pose en Islam, puisqu’il n’y a pas d’autorité religieuse décisionnaire reconnue par tous.
Nous l’adressons également aux frères chrétiens, désignés en tant que spécialistes par les autorités du Saint Siège. Mais également à tous les autres, et notamment à ceux qui oeuvrent depuis des années dans ce qui est appelé, généralement, le dialogue interreligieux et, précisément pour le dialogue islamo-chrétien. En leur posant fraternellement cette question : comment se fait-il que des personnalités musulmanes en vue souhaitent susciter aujourd’hui un dialogue, alors que cela fait plus de 30 ans qu’on nous dit qu’il existe ?
Nous espérons, enfin, qu’il est devenu évident, pour tous, que ce dialogue islamo-chrétien souhaité et nécessaire, doit tenir compte des chrétiens qui vivent dans le monde dit « musulman », ou qui en viennent. Nous écarter, ou nous oublier, relèverait soit d’une ignorance feinte, soit d’une volonté manifeste de ne pas aborder les questions qui fâchent.
L’actualité, hélas, ne cesse de le démontrer : les chrétiens en monde musulman sont en sursis et en péril.
Nous mettons les croyants au Dieu unique face à leur responsabilité : Il leur sera demandé compte, à tous, de leurs actes.
Dieu, dés le commencement de l’humanité, nous donne dans la Bible cette indication forte, qui est un avertissement :« Mais je demanderai compte du sang de chacun de vous. » Gn 9,5
Cela renvoie à cet autre interrogation divine, au lendemain du premier crime :« Yahvé dit à Caïn : « qu’as-tu fait ! Ecoute le sang de ton frère crier vers moi du sol ! » Gn 4,10
Et, dans la Nouvelle Alliance, en écho, l’avertissement est on ne peut plus clair :
« En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Mt 25,40
Pour nous l’enseignement qui nous est donné par Jésus se passe de commentaire : ce que nous faisons de bien ou de mal à notre frère humain, c’est à Dieu que nous le faisons.
Le dialogue de vérité auquel nous appelons, pour qu’il aboutisse à l’amour du prochain, l’idéal à atteindre admis par tous, comme vous le proclamez justement dans votre lettre, doit avoir pour objet la relation de l’homme à son frère quel qu’il soit. Du reste notre prochain n’est-il pas d’abord celui qui nous est géographiquement proche ?
Quant à Dieu, qui nous demande de L’aimer et de L’adorer pour notre bien et notre salut éternel, chaque croyant doit s’efforcer d’établir avec Lui une relation de foi toute personnelle, dans laquelle nul n’a le droit de s’immiscer, puisqu’en vérité personne ne peut sonder son cœur sinon le Créateur de toute chose, à la fois invisible et omniscient, juge et plein de miséricorde.
Venons en donc, par nos actes de paix et de pardon, à Sa louange quotidienne : Gloire à Lui qui nous a aimés le premier pour les siècles des siècles !
Les signataires de cet appel, au nombre de 144, catholiques, protestants et orthodoxes, sont pour moitié des convertis néo-chrétiens, et des chrétiens du Proche-Orient, soit 77 ; l’autre moitié se compose de chrétiens européens, conscients des problèmes rencontrés par leurs frères.
En leur nom, le pasteur aumônier évangélique Saïd, du Maroc, baptisé en 1989, et Mohammed-Christophe, laïc catholique baptisé en 1970, auteur d’un Algérien pas très catholique.