Le 18 septembre 2010 le site “France Catholique” reproduisait un article d’Yves Floucat (professeur honoraire à la Faculté de philosophie de l’Institut Catholique de Toulouse) “Louis Massignon et le dialogue islamo-chrétien”, article paru dans le magazine de même nom. L’objet caché de ce texte est une réponse à l’étude de Marie-Thérèse Urvoy “Le dialogue islamo-chrétien: du principe à la réalité“, publié par la revue “Catholica” (n° 106 janvier 2010), étude reprise sur le site Notre-Dame de Kabylie.
Yves Floucat est l’auteur de l’ouvrage “Maritain ou le Catholicisme intransigeant et l’Humanisme démocratique” (Pierre-Téqui, collection « Questions disputées – saint Thomas et les thomistes »). Il est intéressant de noter que, dans l’article de “France Catholique”, Jacques Keryell auteur de “Louis Massignon. La grâce de Bagdad” (Pierre Téqui, 11/2010, avec préfaces de Mgr H. Tessier et Y. Floucat) occupe une place de choix en étant défini comme “un fin connaisseur” de Massignon. Keryell a aussi participé à l’ouvrage collectif “En hommage au Père Jacques Jomier o.p.“ (Le Cerf, 2002). Cet hommage a été publié sous la direction de Marie-Thérèse Urvoy, qui a succédé à cet islamologue dominicain à l’Institut Catholique de Toulouse, et a été une amie très proche. Dans “Catholica” , elle nous livre une remarque de Jacques Jomier souvent reprise et liée à des échanges dans le cadre de leurs travaux: “Massignon était un génie qui a reçu un coup de bambou sur la tête“. Elle ajoute “Malheureusement c’est la marque du «coup reçu sur la tête» que connaît le public et qui est célébré par les gens du dialogue“. Jacques Jomier était donc loin de partager l’admiration que Keryell porte à Massignon. Il est probable que cette citation et son commentaire ont été ressentis comme un véritable blasphème. En effet l’article de France Catholique est un vibrant éloge de la pensée de Louis Massignon, considéré comme “le plus important des « prophètes du dialogue islamo-chrétien »“. Cet éloge se prolonge naturellement vers celui du dialogue islamo-chrétien tel qu’il est mené de nos jours en France, i.e. étranger à la réalité de l’islam et sans contrepartie, d’où une parfaite antinomie avec l’article de Catholica.
Tout en mentionnant son “plus grand respect” pour Marie-Thérèse Urvoy, Yves Floucat déplore “le ton inutilement et injustement polémique” qui aurait été adopté par cette islamologue. Il va même plus loin en disant “s’interroger sur ce que signifie cette véritable diatribe“. A ce niveau, avec le choix du mot offensant “diatribe”, réservé aux écrits violents, injurieux, et sans fondement, on ne saisit pas sa cohérence avec ce “plus grand respect” proclamé dans le texte. Sur ce point Floucat s’explique dans les termes qui suivent:
“Lorsque Lumen gentium, évoque « les musulmans qui professent avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour » (c. 2, § 16), on ne peut pas ne pas penser à la méditation d’un Massignon qui l’a indéniablement inspiré. Mais pourquoi faut-il qu’aujourd’hui ces lignes soient remises injustement en cause, avec leur principal inspirateur ? Le recueil “Parole donnée”, ses “Trois prières d’Abraham”, notamment “La prière sur Sodome”, sont stigmatisés. Considéré comme un « érudit aventurier », dont on évoquerait « avec bienveillance » l’homosexualité, il se trouve même « promu » au statut d’une sorte de gourou à la tête d’une « faction » d’« initiés » au « fonctionnement sectaire » et dont les thèses ne pouvaient se constituer qu’en « un ensemble syncrétiste »”
Ici la “faction d’initiés au fonctionnement sectaire “, constituant “un ensemble syncrétiste”, est celle des thuriféraires de l’actuel dialogue islamo-chrétien, dialogue que l’étude de Catholica considère étranger à la réalité de l’islam. Dans l’article de France Catholique, ces termes sont présentés en tant qu’éléments légitimant l’accusation offensante de “diatribe”, sans tenir compte de la démonstration rigoureuse de la thèse de Marie-Thérèse Urvoy qui justifie leur usage. Cette démonstration est essentiellement basée sur la définition du mot “secte”, et son lien avec la situation étudiée:
“Ce qui identifie une secte, en effet, c’est son fonctionnement interne spécifique, sa logique interprétative des textes et sa capacité au réemploi des données établies. Le dialogue islamo-chrétien a sa théologie, ses Ecritures, ses prophètes, ses prières et liturgies, ses pèlerinages et surtout ses média. Ses membres le défendent avec détermination, incarnant à leur façon la formule que le P. Abdeljalil appliquait, dans les années 50, à l’ensemble des musulmans: « une communauté cohérente, ombrageuse ou agressive face à tous ceux qui lui sont étrangers […]. Ils se doivent assistance et solidarité ». Malheur à celui qui ouvre les yeux et sort de cette communauté”
La dernière phrase “Malheur à celui qui ouvre les yeux et sort de cette communauté” est l’un des éléments illustratifs de la thèse de Marie-Thérèse Urvoy. Il vaut la peine de lui consacrer quelques lignes avant examen des accusations d’Yves Floucat. En effet ce point contribue à identifier les réactions ombrageuses des disciples de Massignon, en présence d’une contestation de certains de leurs “dogmes”. Dans le cas présent il s’agit du père François Jourdan, prêtre eudiste, islamologue, docteur en théologie, en histoire des religions et en anthropologie religieuse. François Jourdan a enseigné la mystique islamique à l’Institut Pontifical d’Etudes Arabes et islamiques de Rome (1994-1998), à l’Institut Catholique de Paris, et à l’Ecole Cathédrale. Il fut délégué du diocèse de Paris pour les relations avec l’islam. En mettant en cause l’assertion “chrétiens et musulmans ont le même Dieu” dans son livre “Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans. Des repères pour comprendre” (L’œuvre, 2008, préfacé par Rémi Brague), pour la “secte” François Jourdan est devenu un traître. Son livre a été alors l’objet de violentes attaques dans “La Croix” du 7 février 2008 (page 13), sur le site du “Groupe de recherches islamo-chrétien“ (GRIC), et dans la revue Islamochristiana (n° 34, Rome, 2008, p. 309-311) par le Père Blanc Etienne Renaud. Celui-ci reproche en particulier à François Jourdan l’absence d’un minimum de sympathie pour l’islam. Il ajoute qu’il faut reconnaître dans le Coran “la trace d’une expérience spirituelle très profonde faite par Mohammed” (page 310, ligne 14 à partir du bas). Le Père Etienne Renaud, qui se présente comme missionnaire, va d’ailleurs plus loin sur son site “Jeter des ponts” lorsqu’il parle de son action au Yemen, qui n’est pas l’évangélisation des musulmans, mais d’ “éveiller les paroissiens aux valeurs spirituelles de l’islam”. A propos de François Jourdan, une note de l’article de Catholica résume la situation en disant que “de comptes rendus désapprobateurs en critiques infâmantes, il finit par être expatrié aux Philippines, à 60 km de Manille“. En effet les supérieurs du Père Jourdan ont jugé bon de le nommer en brousse au sud de Manille. Etrangement cette “nomination” a coïncidé avec le succès de son livre.
Revenons maintenant à l’article de France Catholique. Sur la base de la définition de “secte”, Marie-Thérèse Urvoy justifie l’association de ce terme aux disciples de Louis Massignon, en particulier ceux impliqués dans le dialogue islamo-chrétien officiel (le Service des Relations avec l’Islam dépend de la Conférence des Evêques de France). Elle le fait en analysant “leur théologie”, “leurs écritures”, “leurs prophètes”, “leurs prières”, “leurs pèlerinages”, “leurs médias”, titres de paragraphes de son article. Il est alors raisonnable d’attendre qu’Yves Floucat montre que:
– soit la définition de “secte” ainsi donnée n’a pas de sens dans le contexte de l’article,
– soit, si elle a un sens, en quoi les arguments exposés dans l’étude de Catholica, sont inexacts.
Or ce n’est pas le cas. Venant d’un ancien professeur à la Faculté de philosophie de l’Institut Catholique de Toulouse, une telle absence de rigueur surprend. En effet la perception d’un “ton inutilement polémique” est subjective, et fonction de la personne qui reçoit l’information. L’adjectif “polémique” est généralement réservé à des écrits pour lesquels l’argumentation fait place à des attaques gratuites. Mais lorsque l’adverbe “injustement” est ajouté à “polémique” on se demande si Yves Floucat a bien lu l’article. Quant à “diatribe”, utilisé ici sans aucune amorce de “démontage” de l’argumentation de Marie-Thérèse Urvoy, le mot est insultant.
L’étude de Catholica est un exposé rigoureux sur une situation, pour laquelle une condition nécessaire (au sens mathématique) dans le traitement du sujet est une bonne connaissance de l’islam, connaissance se situant pour Marie-Thérèse Urvoy à un niveau internationalement reconnu. En lien direct avec cette condition, l’article fait une remarque de simple bon sens en disant: “on n’est jamais seul à dialoguer et la question est de savoir si les partenaires des chrétiens ont, du dialogue, la même conception qu’eux“. L’intervention récente de Mgr Antoine Beylouni, archevêque libanais d’Antioche, au Synode des évêques du Moyen Orient, montre que ce n’est pas le cas. En effet Mgr Antoine Beylouni dit clairement: “Le Coran inculque au Musulman la fierté d’avoir la seule religion vraie et complète… C’est pourquoi il vient au dialogue avec cette supériorité et avec l’assurance d’être victorieux. …Le Coran permet au musulman de cacher la vérité au chrétien et de parler et agir contrairement à ce qu’il pense et croit“. Après avoir parlé des versets abrogés et abrogeant, des versets prônant la violence sacrée, il ajoute: “Devant tous ces interdits et d’autres semblables faut-il supprimer le dialogue? Non, certainement pas. Mais il faut choisir les thèmes abordables et des interlocuteurs chrétiens capables et bien formés, courageux et pieux, sages et prudents … qui disent la vérité avec clarté et conviction …”. Cette prudence rejoint la position de Benoît XVI relative au dialogue avec les musulmans. Loin devant les questions théologiques, les aspects pratiques sont les plus importants, tels que: commandements de la loi naturelle, nécessité de ne pas se servir du nom de Dieu pour se livrer à la violence, reconnaissance de la parité entre homme et femme, égalités des droits pour les non musulmans vivant en terre d’islam, liberté religieuse, droit de changer de religion. Le dialogue interreligieux n’est pas désavoué, il est simplement replacé dans le cadre de ses aspects prioritaires, sur la base d’une approche réaliste et objective des questions que ce dialogue implique. Comme lors de la leçon de Ratisbonne, la référence du Pape est un “dialogue des cultures” orienté vers les répercussions culturelles, et éthiques, résultantes pour les différentes religions.
Tout en contraste, l’article de France Catholique est un fervent éloge de Louis Massignon, de ses disciples, et de l’approche du dialogue mené actuellement au sein de l’Eglise de France. Sa réponse aux arguments (“vérité avec clarté et conviction” selon le critère de Mgr Antoine Beylouni) de Marie-Thérèse Urvoy est l’accusation gratuite et méprisante de “diatribe”, classiquement utilisée pour des écrits violents, et sans aucun fondement. On est perplexe, lorsque cette accusation se veut formulée avec le “plus grand respect” (?) pour la personne visée.
Il n’est pas exclu qu’Yves Floucat ait lui-même un très bon niveau de compétence en islamologie, lui permettant de justifier son jugement. Alors pourquoi, en tant que philosophe thomiste, ne le fait-il pas? Des jugements sévères sur des auteurs sont admissibles à condition de prouver une convenance entre sévérité et vérité. Marie-Thérèse Urvoy le fait dans son étude, en justifiant ses jugements avec des éléments et des considérations vérifiables par des citations, et non uniquement sur la base de mots à perception subjective et négative, comme le fait l’article de France Catholique.
– 2 Conclusion: théologies issues de la pensée de Massignon. Exemple d’application vers les convertis, et les chrétiens persécutés
L’article d’Yves Floucat conduit à réfléchir sur les théologies issues de la pensée de Massignon, sur une conception commune de l’évangélisation qu’elles inspirent, ainsi que sur une perception partagée concernant les convertis issus de l’islam et les persécutions antichrétiennes en terre d’islam. Le paragraphe 16 de la lettre encyclique “Pascendi Dominici Gregis” (8 septembre 1907) de Saint Pie X annonçait ces nouvelles théologies du dialogue islamo-chrétien officiel, basée sur la pensée de Louis Massignon, auteur que Pie XI qualifiait de “catholique-musulman” (cette expression étant interprétée maintenant par les disciples du dialogue actuel comme une “boutade affectueuse“). Le paragraphe 16 est très clair sur ce point:
“…. Or, de quel droit les modernistes dénieraient-ils la vérité aux expériences religieuses qui se font, par exemple, dans la religion mahométane? Et en vertu de quel principe attribueraient-ils aux seuls catholiques le monopole des expériences vraies? Ils s’en gardent bien: les uns d’une façon voilée, les autres ouvertement, ils tiennent pour vraies toutes les religions”.
En outre, en tant que philosophe thomiste, Yves Floucat ne méconnait certainement pas le jugement sévère de Saint Thomas d’Aquin sur Mahomet dans “La Somme Contre les Gentils” (chapitre 6 du Livre Premier, Deo de Deo), ainsi que sa conclusion:
“C’est donc chose évidente que ceux qui ajoutent foi à sa parole, croient à la légère“.
Il serait intéressant de voir comment ce philosophe envisage une compatibilité entre ce texte de Saint Thomas d’Aquin et ce que disent les théologiens disciples du “plus important des «prophètes du dialogue islamo-chrétien»” (à moins qu’ils considèrent sans valeur “La Somme Contre les Gentils”?). Pour fixer les idées, ci-dessous quelques unes des affirmations de ces théologiens.
– Père Blanc Etienne Renaud qui reconnaît dans le Coran “la trace d’une expérience spirituelle très profonde faite par Mohammed” (cf. ci-dessus).
– Père Gilles Couvreur, responsable du Secrétariat pour les Relations avec l’Islam (SRI, dépendant de l’épiscopat de France) jusqu’en 1997: “Il faudra reconnaître la parité des Révélations, la parole divine étant essentiellement une, elle revêt des formes différentes dans le Christianisme avec Jésus-Christ, Verbe divin, et dans l’Islam avec le Coran, Parole divine. … L’Islam est une Révélation originale, qui continue la Révélation primordiale de Dieu à l’humanité, sous une forme parfaitement adaptée aux conditions cycliques présentes…” (pages 25-26 du document de l’enseignement de missiologie, à la Faculté de théologie de l’Université Catholique de Lyon, “Mission et dialogue interreligieux”, écrit en collaboration avec Jean-Marie Aubert).
– Père Jacques Dupuis, jésuite belge, professeur à l’Université Grégorienne du Vatican, qui célèbre “l’autorévélation divine du prophète Mohammed”, dans son livre, paru en 1997 aux Éditions du Cerf, sous le titre significatif: “Vers une théologie chrétienne du pluralisme religieux“. Concernant ce livre, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a rédigé une “Notification” destinée à “sauvegarder la doctrine de la foi catholique d’erreurs, d’ambiguïtés ou d’interprétations dangereuses“, approuvée par Jean-Paul II le 19 janvier 2000.
– Christian Salenson dans son livre “Christian de Chergé. Une théologie de l’espérance” (Ed. Bayard, 2009), sur le prieur du monastère de Tibhirine. Page 99 on peut lire: “Dès lors que l’islam est considéré comme venant de Dieu, rien ne s’oppose à ce qu’un chrétien le mêle à son expérience spirituelle. C’est ainsi que le père de Chergé faisait sa lectio divina dans la Bible et dans le Coran, pratiquant entre les deux livres l’intertextualité. …. Il les commente l’un par l’autre! Il n’oppose pas les textes, faisant valoir l’un par opposition à l’autre. … Il les fait jouer l’un sur l’autre, si bien que l’un sert à la compréhension de l’autre et réciproquement“. La page 126 rapporte cette affirmation de Christian de Chergé: “Je suis sûr que le Christ du Coran a quelque chose à voir avec celui de notre foi“. Page 127 on lit que le Fils est “le seul vrai musulman”, car il n’a été que oui à la volonté du Père. Plus de détails sont donnés dans le livre même, et dans l’excellente recension faite par Annie Laurent dans le n° 110 (décembre 2009) de la revue “Sedes Sapientiae”.
Ces nouvelles théologies, que l’on peut regrouper pour simplifier sous le terme “islamo-chrétiennes”, se traduisent par un refus d’évangéliser les musulmans. Plusieurs convertis issus de l’islam m’ont parlé des douloureux rejets qu’ils ont subis. Mohammed-Christophe (Muhend-Christophe en Kabyle) Bilek, le fondateur du site Notre-Dame de Kabylie l’écrit dans la rubrique Objectifs: “Mais que dire alors de certains, a priori chrétiens, placés, qui plus est, dans des positions charnières, c’est à dire en situation d’avoir à accueillir des postulants, qui non seulement renâclent à le faire, mais, pire encore, dissuadent ou tentent de le faire par des discours qui entretiennent une insidieuse confusion?“. Dans un autre article il donne ce témoignage concernant un converti actuellement séminariste: “J’ai entendu ce frère de Kabylie qui, si Dieu aidant, sera un consacré dans quelques années, me rapporter que tel père blanc, d’origine anglophone toutefois, – ce qui est inquiétant car cela prouverait que c’est tout l’ordre qui est atteint dans ses fondations – a eu ces propos insultants quasiment à son égard, à Tizi-Ouzou, dans son propre pays : « Tu n’as pas honte d’avoir renié la foi de tes ancêtres ? ». Et quand des exemples de ce non accueil, entre marque de mépris et indifférence, se comptent par dizaines ….“.
En fait les convertis issus de l’islam sont considérés par les disciples de Massignon comme un obstacle au dialogue islamo-chrétien, surtout quand, en exposant leur témoignage, ils refusent la discrétion malgré les risques qu’ils courent. L’apostasie étant le plus grand crime pour l’islam, il est évident que les interlocuteurs musulmans du dialogue refuseraient tout contact avec les complices d’un tel crime, que sont les prêtres partisans de l’évangélisation, accueillant ces convertis, et a fortiori ayant baptisé l’un d’eux. Les chrétiens persécutés dans les pays musulmans sont aussi une véritable “épine dans le pied” des disciples de Massignon. Une étude de Notre-Dame de Kabylie montre la réticence de ces disciples à parler de cette terrible tragédie.
Dans l’un de ses articles, intitulé “Les victimes de l’islamisme, phénomènes de librairie”, le journal “La Croix” regrette l’intérêt dont ces victimes sont maintenant l’objet en écrivant: “Manifestement, aucun des éditeurs de ces ouvrages n’a le sentiment de contribuer à cette «stigmatisation» de l’islam dont se plaignent de nombreux musulmans”. Faut-il donc cacher les persécutions des chrétiens, situées essentiellement dans les pays à majorité musulmane? Plus particulièrement dans ces pays, les convertis issus de l’islam sont devenus de véritables martyrs de la foi. C’est le cas de l’irakien Joseph Fadelle, qui conteste d’ailleurs l’opposition islam vs islamisme, implicite dans le titre de l’article de La Croix, en disant: “Il n’y a pas de différence, il y a un seul Coran, et donc un seul islam“, affirmation qui ne peut que le rendre encore plus antipathique aux yeux des disciples de Massignon. Avec son livre “Le prix à payer” (L’œuvre, mai 2010), cet irakien, héritier de l’une des plus grandes familles chiites qui remonte à Mahomet, est l’auteur d’un magnifique et émouvant témoignage de foi chrétienne. Son succès est sans précédent. Prévu initialement (mai 2010) pour un tirage de 500 exemplaires, en septembre il dépassait 20000 exemplaires. Les droits du livre ont déjà été vendus aux USA, en Grande-Bretagne, en Australie, en Espagne, en Italie, en Slovénie. Une analyse est accessible sur le site “Vingt mille lieues sous les livres“.
Le plus navrant dans l’article de La Croix est un passage insultant pour les convertis issus de l’islam. On y lit: “Quant aux témoignages donnés en public, que ce soit sous forme de conférence ou dans un groupe de prière, qui font de celui «qui a eu une expérience forte une vedette», Jean-Marie Gaudeul y voit « un risque énorme pour sa sincérité ». « Si le Seigneur s’est révélé à certains d’entre eux, affirme-t-il, ce n’est pas pour attirer la haine contre les musulmans mais pour révéler son amour pour le monde entier »”.
En tant qu’apostat, le “risque énorme” est surtout pour leur vie. Comment peut-on mettre en doute la sincérité des ces convertis, quand leur témoignage se fait justement au risque de leur vie? Ceci sachant que tout musulman qui agirait selon le hadith de Sahih al-Bukhari [Volume 6, livre 61, Numéro 577, l’un des cinq recueils jugés “authentiques” (sahih), et de plus considéré “excellent” avec le recueil “Muslim”] serait convaincu d’avoir accompli un acte pieux. En effet ce hadith dit clairement: “J’ai entendu le prophète dire, “à la fin des temps, apparaîtront de jeunes gens aux idées folles. Ils parleront bien, mais ils sortiront de l’islam comme une flèche sort de son jeu, leur foi ne dépassera pas leur gorge. Ainsi, partout où vous les trouvez, tuez les, il y’aura une récompense, au jour de la résurrection, pour ceux qui les tueront“. Dans cet article de La Croix le Père Gaudeul (ancien président du Service des Relations avec l’Islam) confond vérité sur l’islam et “haine contre les musulmans”, alors que ces musulmans, auxquels tout chrétien doit l’amour du prochain demandé par Jésus, sont considérés par les convertis comme les premières victimes de l’islam.
Dans son entretien du 25 novembre 2010 avec la rédaction de L’Homme Nouveau, Joseph Fadelle, est très clair: “Je pense qu’il est vraiment important de distinguer avant toute chose les musulmans et l’islam”. Ce qu’il dit a d’autant plus de valeur qu’il est toujours sous le coup d’une fatwa, qu’à cause de sa foi il a été torturé dans une prison irakienne, puis laissé pour mort par son oncle et ses frères venus l’exécuter en Jordanie à cause de son apostasie, ceci afin d’obéir à l’ordre d’un père qui avait pourtant beaucoup d’affection pour lui. Joseph Fadelle excuse ses bourreaux en disant “c’est la règle, l’islam les y oblige”, montrant ainsi en quoi ces bourreaux sont eux-mêmes des victimes.