Les Chleuhs du Maroc …ou d’Allemagne ? D’où vient ce nom? Voici une petite étude suite à des recherches qui ont commencées au milieu des années 1980.
Et qui se sont poursuivies avec l’aide des langues cousines, à savoir l’araméen et l’hébreu, dont le passage à l’écrit remonte à très loin dans le passé. Elles nous permettent aujourd’hui, pour peu qu’on reste ouvert,
d’expliquer bien des mots et des noms berbères ou amazighs, ainsi que nous l’avons vu dans l’article sur l’origine du nom des Kabyles.
1- Pour cet article nous reprenons celui qui a été publié (1) dans la page Facebook Notre-Dame de Kabylie en 2016 (15/11).
En premier lieu faisons remarquer que les recherches modernes, menées sur les Berbères, ont toujours été effectuées par les Français, dés le 19ème siècle. Et elles se sont quasiment toutes basées en s’appuyant sur la langue arabe écrite. À l’exclusion des autres langues cousines citées plus haut et en considérant que les langues vernaculaires nord-africaines viennent de l’arabe. De sorte que les mots, comme les noms berbères, sont systématiquement recherchés par ces auteurs dans le corpus linguistique arabe écrit ou oral.
Ce qui a été aussi le cas du nom “Kabyle”, comme on peut le constater dans l’article signalé ci-dessus. Les auteurs qui ont écrit en arabe, antérieurement à la colonisation, exception faite parfois d’Ibn Khalldoun, faisaient par ailleurs peu de cas des langues araméenne et hébraïque comme des langues parlées au Maghreb.
2- Or nous voyons que “Chleuh” en hébreu signifie « envoyé », « émissaire » : שליח // Chleuh . En syriaque (araméen) il signifie « apôtre », « envoyé » – La racine en kabyle est donc [CLḤ] que nous avons dans les mots : acluḥ : tente de nomade, vieux burnous — celleḥ : inciser, entailler la peau…– timcellaḥt : tranche de viande crue…
La racine en arabe est : شلح – Elle donne des mots qui renvoient aux significations : dépouiller, se dévêtir, défroqué…
Nous voyons en conséquence que le sens de « chleuh » dans les langues hébraïque et araméenne est éloigné de celui de l’arabe. Mais quand on considère sa signification en kabyle (dépecer la peau, ou découper une tranche de viande fine), nous avons des glissements sémantiques tout à fait explicables entre ces langues cousines.
3- Mais il est évident que la signification première pour les Chleuhs du Sous, au Maroc, a dû être celui de « envoyés », « détachés », « émissaires », voire « apôtres ». Ce groupement humain a été envoyé ou a dû se détacher d’une tribu plus importante pour s’éloigner vers le sud, en raison de quoi ils ont été appelés, ou se sont appelés « les détachés » ou « les envoyés ».
Je ne vois pas d’autre explication, sauf si dans la langue tacelḥit il se trouve des significations qui la contredisent. Ce qui n’est pas le cas selon l’ouvrage « Le Maroc inconnu » d’Auguste Mouliéras (1895), qui l’explique par le mot berbère acluḥ (pluriel icelḥin), lequel signifie « natte en jonc, en alfa ou en palmier », dont on tissait les tentes des nomades. Or acluḥ en kabyle a aussi la signification de « tente de nomade », en plus de celle de « burnous ».
4- Quant à la désignation des Allemands par le générique “chleuhs”, nous dit Wikipédia, c’est “un terme argotique employé en France, autour de la Seconde Guerre mondiale, détournement du nom d’un peuple berbère du Maroc, les Chleuhs, pour désigner de manière péjorative les Allemands.”